Nous allons encore développer et renforcer nos capacités de coopération pour créer plus de valeur et accélérer notre transformation

#Assureurs & #Insurtech : rencontres avec ceux qui se transforment ! Echanges avec les dirigeants et dirigeantes d’assurance qui coopèrent avec les insurtech pour se transformer.

C’est parti pour 10 questions à Tanguy PoletDirecteur de la Division Clients et Transformation Digitale de Swiss Life

Quels sont les points clés de votre parcours de dirigeant ?

J’ai fait des études de droit et pratiqué durant 12 ans le métier d’avocat, Swiss Life était l’un de mes clients. Grâce notamment à cette coopération basée sur la confiance, j’ai rejoint Swiss Life, en Belgique, comme Directeur Commercial et Marketing, un poste me permettant de découvrir l’assurance opérationnelle et les métiers du marketing et de la distribution ; ensuite, je suis devenu Directeur Général de Swiss Life Luxembourg, où je faisais partie d’une « Business Unit » internationale, présente également à Zurich et à Singapour. Puis, j’ai rejoint la France en tant que Directeur Général de Swiss Life Banque Privée, où j’ai appris un nouveau métier, celui de la gestion de patrimoine.

Enfin, en 2015, j’ai intégré Swiss Life France où j’ai créé la Division Clients et Transformation Digitale. Cette division regroupe notamment tous les back offices de nos différents métiers (vie, santé, prévoyance et dommages). À cette époque, nous étions aux prémices de la transformation digitale et à cet égard, notre volonté a été de développer les compétences et les expertises en interne en vue de nous centrer sur le besoin client et non plus penser en termes de contrats. Cette division intègre également, en plus des back-offices, toutes les fonctions support à la transformation digitale et l’expérience client (organisation, communication, marketing stratégique, expérience et parcours clients, innovation et data science, qualité et gouvernance de la data, etc.). Une transformation qui capitalise sur notre ADN i.e. le conseil et qui s’inscrit dans une stratégie « phygitale », combinant ainsi le meilleur du conseil physique et des outils digitaux, au bénéfice d’une relation fluide entre le conseiller et le client. Cette dynamique est toujours en chemin et nous sommes, à ce titre, ouvert au monde extérieur et aux autres acteurs telles que les startups.

Quelles sont les différentes insurtechs avec lesquelles vous travaillez ? Sur quels maillons dans la chaîne de valeur assurance ?

Un des premiers sujets sur lesquels nous avons mis l’accent est celui de la data science et notamment l’exploration des possibles avec le « machine learning », l’intelligence artificielle et la création d’algorithmes. Nos premières réflexions et interactions avec l’écosystème des startups ont eu lieu dans ce cadre. La data science est une compétence que l’on a souhaitée développer en interne pour booster notre chaîne de valeur et rester maître de l’usage de nos données, risque principal en cas de disruption. Nous pouvons nous appuyer maintenant sur une équipe de « data scientists », une communauté de « Data Champions » (experts data dans différentes directions de l’entreprise) avec lesquelles nous avons développé toute une série de « use cases business », sur l’ensemble de la chaîne de valeur de Swiss Life (prospection, multi-équipement, rétention, détection de fraude, etc.)

Nous travaillons avec des startups dans une dynamique de partenariat pour qu’elles apportent leur savoir-faire et nous aident à explorer certains territoires. À ce sujet, nous avons notamment lancé deux POC, le Cookie vocal avec AlloMedia et un chatbot client avec Chatbot Factory… Avec des succès mais aussi quelques déceptions… Au final des éléments qui n’ont pas convaincu car le delta de valeur ajoutée n’était pas manifeste ; les résultats étaient intéressants mais insuffisants en termes de ROI pour arbitrer des budgets, et avec des technologies pas encore assez matures pour faire du « plug and play ».

Un autre dispositif auquel je crois beaucoup est la voix. À cet égard, nous avons réalisé un « voice bot » à l’attention de nos agents généraux et nos commerciaux ; cet outil leur permettant d’interroger, en voiture, ledit robot pour avoir un « check-up » client et préparer leur entretien. Nous avons réalisé un prototype très prometteur et avons voulu créer une startup, avec une autre structure, mais nous avons rencontré des difficultés à trouver un modèle d’affaires qui soit gagnant/gagnant. Au final, nous avons abandonné l’idée. Dernier point, la robotisation sur laquelle nous avons travaillé pour mettre en place des process robotisés et augmentés, et accroître notre puissance et efficience opérationnelle essentiellement dans nos services de back-office, de migration et en finance. Nous avons créé une « bot factory » interne avec UI Path, startup devenue Licorne, qui nous a apporté la solution logicielle qui a permis à cette initiative de se déployer.

Ces coopérations ou certaines d’entre elles, sont-elles associées à un investissement ?

Jusque-là nous réalisons ces collaborations avec des startups en mode partenariat ou client / fournisseur.

Néanmoins, nous avons investi dans une startup que nous avons nous-mêmes créée : « CrossQuantum » qui propose un agrégateur d’épargne, LaFinBox. Une expérience riche d’enseignements. Il s’agit d’un projet qui a vécu plusieurs vies avec son lot d’efficacité et parfois d’erreurs mais qui s’est rapidement intégré dans notre chaîne de valeur : il y a d’abord eu la phase d’investissement pour développer un service véritablement innovant, puis le moment où nous avons compris qu’être actionnaire majoritaire est assez limitant, in fine. Nous aurions dû créer cette startup avec une équipe dirigeante dédiée. C’est une expérience très enrichissante – au-delà du « test and learn » – qui nous a permis d’appréhender toutes les différences entre corporates et startups, que ce soit en termes de ROI, de culture, de gouvernance et enfin de temporalité.

Par ailleurs, nous avons investi dans le fonds BlackFin qui nous donne accès à leur « deal flow » : cela nous permet d’avoir une vision complète du marché.

Si vous deviez en retenir une, laquelle ? Pouvez-vous expliquer pour quelles raisons vous avez décidé de travailler ensemble ?

J’en retiendrai deux.

Premièrement CrossQuantum qui est notre startup interne avec laquelle, comme je le disais, nous avons beaucoup appris. Récemment, nous avons fait appel à une startup studio, « Possible Future », pour reprendre le processus de création de startup, qui nous a proposé une méthodologie très structurée

Deuxièmement, l’initiative menée, il y a 2 ans, avec « Allo Media », très appréciée même si elle n’a pas abouti, au final, par un lancement. La technologie d’Allo Média est très utile pour nos métiers car elle permet de capter les signaux faibles, à chaud ou à froid, et de catégoriser les demandes client pour mieux les orienter et enrichir leur expérience. Je suis convaincu que nous allons y revenir, mais peut-être de façon différente : les technologies ont évolué, et nous allons peut-être internaliser ce sujet.

Avec un peu de recul, quels sont les apports clés de cette insurtech pour votre société d’assurance ?

CrossQuantum est un projet clé de la transformation digitale de Swiss Life. L’idée est venue dans le cadre d’un programme RH de développement de talents internes. Une équipe a proposé la création de ce service d’agrégation d’épargne. C’est un bel exemple concret de la transformation de l’entreprise et il a été très mobilisateur pour l’ensemble des collaborateurs.

De façon plus globale, quelle est votre vision de l’apport des insurtechs dans le secteur et la chaîne de valeur de l’assurance ?

Tout d’abord, les insurtechs ou startups apportent une contribution à la transformation, et ce sur tous les maillons de notre chaîne de valeur. Sur la partie middle et back-office par exemple, l’IA se révèle être un véritable atout pour renforcer la relation client, un enjeu clé dans l’assurance.

Il y a effectivement nécessité à développer les interactions entre les conseillers et le client, c’est ma conviction.  Pour ce faire, nous avons développé notre portail conseillers « SwissLifeOne » et notre portail clients « MySwissLife », qui est aujourd’hui utilisé par la moitié de nos assurés. Ces nouveaux usages libèrent du temps à nos conseillers, pour plus d’efficacité commerciale passant notamment par davantage d’appels sortants de la part des services de gestion et, au final, des expériences clients en forte amélioration.

L’apport des insurtechs est également essentiel pour éviter la disruption qui nous guette. Il s’agit d’un enjeu clé pour les 2 à 3 années qui viennent. En tant qu’assureur, nous devons réfléchir à notre évolution en termes d’écosystème avec la mise en place de « hubs » de collaboration avec des startups sur certaines thématiques de transformation forte. Tout en gardant une certaine prudence liée à la taille et à la capacité à faire

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans vos différentes coopérations avec les insurtechs ?

  • La première est une difficulté d’ordre convictionnel. Il est impératif de créer une adhésion collective, à tous les niveaux de l’entreprise, sur l’intérêt et l’utilité de collaborer avec des startups sur certaines thématiques.
  • La deuxième est d’ordre méthodologique. Les mondes et temporalités des « corporates » et des startups ne sont pas les mêmes ; il y a des cadres collaboratifs à créer et des ressources dédiées à ces relations à mettre en place.
  • La troisième est d’ordre culturel : les POCs peuvent se révéler prometteurs, ce n’est pas pour autant qu’ils trouvent facilement leur voie dans les arbitrages de budgets ou de ressources internes.

Et tout cela doit aussi tenir compte d’une certaine capacité à « sentir » le marché et les innovations proposées, notamment pour déceler celles qui reposent soit sur un vrai savoir-faire (versus une technologie qui sera vite disponible sur l’étagère), soit sur un véritable partage de valeur (les données transmises par les assureurs ont une valeur économique que les startups ont bien comprise…).

3 principales difficultés rencontrées : capacité à créer une adhésion collective, méthode (mondes et temporalités), culture

Quels sont les 3 facteurs clés pour la réussite de vos différentes coopérations avec les insurtechs ?

  • Le facteur premier est le vrai partage de valeur : chacun doit trouver son compte dans la collaboration avec un apport de ROI pour les deux partenaires.
  • Ensuite, il s’agit de travailler sur des sujets qui sont bien compris et maîtrisés en interne par les équipes, avec une startup qui apporte une véritable valeur ajoutée. Une fois le sujet « acheté » en interne, il doit aussi être porté impérativement par un collaborateur de l’entreprise.
  • Enfin, quand il y a un investissement, il est important d’être dans une logique de création de valeur et ce, pour toutes les parties prenantes, y compris l’actionnaire et le client ; nous créons de la valeur pour permettre notamment à nos clients de faire les meilleurs choix en lien avec notre raison d’être.

3 facteurs clés de réussite : partage de valeur, choix de sujets compris et maîtrisés en interne, une création de valeur pour toutes les parties

Allez-vous développer et renforcer ce type de coopération dans les 2 années à venir ?

Oui, nous avons un réel souhait que cela se renforce. Nous allons mettre en place des dispositifs internes pour intensifier la relation avec ces startups. Dans ce cadre, nous avons créé un « lab techno » interne, il s’agit d’une équipe avec un mandat clair sur des sujets définis, et dont la mission sera de faciliter le travail avec les startups. Ce type de dispositif, orienté métier et opérations, s’inscrit dans notre plan stratégique.

Quels seront, selon vous, les modèles de coopération de demain entre assureurs et insurtechs ?

C’est un point important, cela va dépendre de l’architecture de coopération dans laquelle les assureurs s’inscrivent. Si un assureur construit une architecture de plateforme, il est plus à même d’être en capacité d’agréger différentes typologies de produits et services de startups.

Et cela implique aussi de mener une réflexion forte et approfondie autour du « business model » de l’assureur de demain. La plateformisation va augmenter la capacité de relation avec les startups, un écosystème qui deviendra plus naturel avec un interfaçage « plug and play » pour les assureurs.

 

Interview menée fin janvier 2021 par Nelly Brossard

 

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