Créer une suite de produits de la souscription à la gestion, pour aider les assureurs à être là pour leurs clients

#Insurtech : rencontres avec ceux et celles qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

C’est parti pour 10 questions à Jeremy Jawish Co-fondateur et CEO de Shift

Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreneuriat pour vous ?

J’ai fait des études assez longues, une prépa et l’école polytechnique, durant 7 ans… Ma vie professionnelle a démarré par deux stages et a ensuite été pleinement liée à l’aventure Shift Technology. J’ai créé Shift avec mon associé Éric Sibony, avec lequel j’ai fait mes études. Nous avons monté l’entreprise ensemble après avoir pris conscience de l’enjeu clé que représentait la détection des fraudes pour l’ensemble des acteurs de l’assurance. L’idée de mettre l’Intelligence Artificielle au service des professionnels du secteur, pour les aider à traiter un nombre toujours plus important de données et à prendre les meilleures décisions, a germé à ce moment-là. Nous avons fait ce pari ambitieux en 2014, c’était peu commun à cette époque… Ce n’était pas simple au début, nous avons vraiment dû persévérer. Notre ambition était initialement centrée sur la France, nous n’avions pas vraiment pensé à l’international. Or, dans le monde du software, ceux qui sont leaders sur leur marché sont souvent internationaux, même si en général ils ne sont pas français mais plutôt américains…

C’est une vaste question l’entrepreneuriat… Alors, la façon dont je le vis, c’est surtout avec mes associés et mon équipe. Il s’agit de fixer un objectif ambitieux et d’être complètement responsable du projet qu’on mène et le faire ensemble.

Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?

Lors de notre stage chez un assureur avec Éric, nous avons observé qu’il y avait beaucoup d’experts en gestion des sinistres, et nous nous sommes dit qu’il fallait vraiment créer des solutions et des outils pour les aider à automatiser les actions à faible valeur ajoutée, pour leur permettre de se concentrer sur des tâches plus stratégiques et d’être plus proches de leurs clients.

Nous sommes tout d’abord partis du sujet de la détection des fraudes. Ensuite, au fil des mois, nous avons réalisé que nous avions une bonne expertise dans l’assurance, une bonne équipe de data scientists et que nous arrivions à parler le même langage que les assureurs. Nous avons alors décidé de créer une suite de produits beaucoup plus large depuis trois ans maintenant.

Quelle est votre proposition de valeur ?

Notre suite de produits, de la souscription à la gestion des sinistres, permet d’aider véritablement les assureurs à être là pour leurs clients.

Nous aidons les conseillers et gestionnaires à automatiser la partie moins intéressante de leur travail, ce qui est sans valeur ajoutée et plus manuel, pour qu’ils se concentrent sur leur expertise et sur l’apport de valeur.

Par exemple, réaliser des vérifications à la souscription (détection de fraude ou de blanchiment, notamment au moment du paiement d’une prime), détecter des cas suspects lors de la gestion des sinistres, analyser automatiquement les documents liés à leur résolution, automatiser les décisions de couvertures

Aujourd’hui, nous couvrons toutes les lignes de produits pour les particuliers et les professionnels et tous les types de risques

Quelle est votre cible de clients (BtoC, BtoB, BtoBtoC) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?

Nous travaillons en B to B avec des assureurs, des mutuelles, des courtiers, des experts… Et aussi avec les délégataires de gestion dans certains pays, par exemple en France et en Grande Bretagne.

Nous avons environ 130 clients partenaires dans le monde

Pour tous nos clients, l’enjeu est d’aller au-delà de la détection de fraude et de les accompagner sur toute la souscription et la gestion.

Nous sommes fiers d’aider des milliers de gestionnaires à être là pour des millions d’assurés, et même près de 1 milliard d’assurés à date selon nos estimations… Et ce, avec une présence dans différents pays comme le Canada, la Grande Bretagne par exemple, avec des associations locales qui touchent tous les assurés, et aussi le Japon, la France, les Etats-Unis.

Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ? A quelle date serez-vous à l’équilibre ?

Nous fonctionnons avec un abonnement SaaS classique. Il s’agit de notre source unique de revenus, nous n’avons pas de revenus provenant de services additionnels. Bien évidemment nous accompagnons nos clients sur l’utilisation de nos solutions et sur du conseil, mais cela fait partie de notre offre. Depuis le démarrage, nous avons ce même modèle, cela n’a pas changé.

Aujourd’hui, nous sommes toujours en phase d’investissement. Nous ne sommes pas encore à l’équilibre car nous réalisons beaucoup de R&D.

Nous comptons désormais 600 collaborateurs dans le monde, avec une grande partie de l’équipe en R&D, et l’équipe est essentiellement basée en France. Nous sommes très fiers de nous dire que grâce à notre excellente équipe R&D en France, nous parvenons à avoir un impact et aider les assureurs à évoluer dans tous les pays où nous sommes implantés.

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Shift ?

En tant qu’entrepreneur, on rencontre de nombreuses difficultés. Je vais en retenir deux majeures.

Tout d’abord le recrutement. Il est très difficile de trouver les bonnes ressources.

La seconde difficulté est de se développer aux Etats-Unis, car les Américains ont tendance à vouloir privilégier les technologies américaines. Surtout, devenir leader là-bas en venant de la France, qui plus est sur un marché vertical, est très compliqué. La plupart des acteurs en SaaS ont une activité plus transverse.

2 difficultés principales rencontrées : le recrutement, se développer aux Etats-Unis

Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Shift ?

A mon sens, il existe deux facteurs clés.

Le premier point clé est de se concentrer sur des problèmes et des sujets spécifiques et de ne pas se disperser.

Le second facteur, est de recruter les bonnes personnes.

La clé est donc de recruter les bonnes personnes et de les faire se concentrer sur les bons problèmes ou sujets.

2 facteurs clés de réussite : se concentrer sur les sujets, recruter les bonnes personnes

Et si c’était à refaire ?

Je refuse de me poser cette question. Je suis quelqu’un qui va toujours vers l’avant et se projette. Si j’apprends de mes erreurs et j’utilise ce que j’ai appris, je m’interdis vraiment de refaire l’histoire et le film

Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et du rôle de l’insurtech ?

Le secteur de l’assurance, ce qui est très intéressant, c’est qu’il se transforme en permanence – comme beaucoup d’autres industries… Ce que je peux dire, à la lumière de mes observations, et avec le recul, c’est que les acteurs qui adoptent la technologie plus rapidement ont réellement de l’avance sur les autres… Je l’ai constaté avec plusieurs assureurs et dans plusieurs pays. Il existe une réelle différence. Il ne s’agit pas d’une théorie mais d’une réalité.

Pour les insurtech, nous assistons à des cycles. Il y a eu un véritable cycle d’engouement en 2018 jusqu’en 2022 partout et chez tous les investisseurs… Et en ce moment, ça retombe, comme tous les cycles, et encore plus avec la crise financière. J’espère qu’on va en tirer quelque chose et qu’il ne s’agit pas d’une mode, que cette richesse ne va pas disparaître.

Quelles sont les sociétés insurtech ou autres start up qui sont vos modèles (les 2 ou 3 clés) en France ou dans le monde ?

A mon sens, c’est la philosophie du travail qui est clé… Ce qui m’impressionne, c’est quand on discute avec quelqu’un – que ce soit un artisan, un producteur, un entrepreneur – et qu’il ou elle est passionné(e) par sa mission, son entreprise… J’admire ceux qui aiment ce qu’ils font et vont au bout de leurs idées… Au-delà de cela, je suis plutôt impressionné par d’autres types de structures, comme l’ensemble des acteurs qui constituent le corps médical (médecins, infirmières…). Au passage je suis fils de médecins, et Éric mon associé aussi …

Et en bonus…

Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Shift ?

Lors du lancement de Shift, après des semaines de tentatives et presque de harcèlement, nous avons finalement réussi à entrer en contact avec le PDG d’une des grandes entreprises que nous ciblions. Nous étions encore de simples étudiants, nous avons mis une semaine à choisir nos costumes, répété pendant des heures devant notre miroir la veille du rendez-vous. A la fin de la réunion, notre interlocuteur nous a simplement demandé si on pensait sérieusement qu’il allait accepter de faire confiance à des « petits jeunes » comme nous…

Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?

Il s’agit d’un choix pragmatique. Shift est un nom international, prononçable dans toutes les langues, qui représente le changement. Nous avons passé pas mal de temps pour choisir ce nom pour un résultat in fine, très pragmatique et scientifique avec peu d’émotionnel…

 

 

Interview menée fin janvier 2023 par Nelly Brossard

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