Assurance : opportunités et défis de l’innovation dans l’offre de produits et services

Retrouvez mon article dans le prolongement du Flashtalk du 24 mai 2018 au salon Vivatech, en réponse aux questions de Julien Pavillon de KPMG

Quel est votre décryptage des évolutions des usages et attentes des consommateurs ?

Nous vivons dans un monde digital, avec des consommateurs digitalisés.
Un monde où le consommateur est hyper-connecté, informé, mobile et ubiquitaire.
Un monde où de nouveaux usages et de nouveaux modes de consommation s’ancrent de façon durable avec des attentes de personnalisation, d’instantanéité, de temps réel, de fluidité et de simplicité et de transparence.

Parmi les nouveaux usages et modes de consommation qui s’ancrent de façon durable, en voici quelques-uns…

Depuis plusieurs années, la dématérialisation permise par le numérique et le cloud nous fait évoluer d’une économie de la possession à une économie d’usage : avec le streaming musical, la vidéo à la demande, le covoiturage… Ce modèle du partage se développe et connaît un vif succès, notamment auprès des millennials. Ce mode de consommation à l’usage modifie le rapport à l’objet et au service et l’expérience client.
Une tendance participative et collaborative qui repense les codes de la consommation, avec notamment la culture des « makers ».
Par ailleurs, dans le même temps, la multipropriété se développe.

Nous cherchons à consommer mieux, avec une certaine prise de recul par rapport à la société d’hyperconsommation : avec une vision plus écologique afin de préserver les ressources et l’environnement, une quête d’authenticité, de traçabilité… Ces sujets sont au cœur des préoccupations citoyennes, avec la recherche d’un équilibre entre l’Homme et la Planète (cf l’autonomie énergétique, les circuits courts…).

Des attentes fortes des consommateurs

Les attentes des consommateurs sont très fortes en matière de personnalisation, d’instantanéité, quel que soit l’endroit où ils se trouvent (mobilité), de temps réel, de fluidité, de simplicité (des produits avec une proposition de valeur et une promesse simples à comprendre), d’adaptabilité (selon l’évolution de leurs besoins) et de transparence de la relation.
Ces éléments sont aujourd’hui des « codes » des acteurs qui sont au top de l’expérience (cf. Apple, Amazon…).
Et, chez les millennials, tous ces points, en termes d’usages, de modes de consommation et d’attentes sont totalement exacerbés (connexion permanente via mobile, ouverture sur le monde, prise de recul par rapport à une société d’hyperconsommation, quête de sens, le besoin de créer du lien, rôle de l’émotion comme élément relationnel central).

Face à ces mutations, le métier d’assureur doit évoluer en profondeur et se réinventer pour réussir sa transformation sous peine de disparaître. Il s’agit pour chacun de repenser la relation client et l’expérience utilisateur, de faire évoluer sa façon de concevoir et de vendre ses offres et services, de repenser sa proposition de valeur et son « business model ».

 

Quels sont selon vous, au regard des évolutions des modes de consommation, usages et attentes consommateurs, les grandes évolutions et impacts sur l’assurance en termes de modes d’assurance et d’expérience client ?

Pour répondre à ses nouveaux usages et modes de consommation qui s’ancrent de façon durable et aux attentes des consommateurs, voici à mon sens les évolutions et impacts clés sur l’assurance : de nouveaux modes d’assurance et une nouvelle expérience proposée.

A noter aussi en complément, l’assurance s’adapte aux types de risques qui apparaissent et évoluent (économie collaborative, cyberrisques) ; et les méthodes de calcul se modifient de façon forte, avec le passage d’un modèle probabiliste, fondé sur le passé, à un modèle prédictif, prévention des risques avec l’utilisation de la data collectée …

Des nouveaux modes d’assurance proposés : à l’usage, comportemental, à la demande et collaboratif

  • une assurance à l’usage selon les modes de consommation, très personnalisée.

Qui module le prix de l’assurance en fonction de l’usage réel du consommateur par exemple en assurance auto, avec le « Pay when you drive » selon le nombre de kilomètres parcourus, le nombre de jours d’utilisation (cf GMF, MMA, Groupama, Wilov …).

  • une assurance comportementale (via des objets connectés avec souvent de la prévention).

Qui module le prix de l’assurance en fonction du comportement par exemple en assurance auto, avec le « Pay How You Drive » selon la façon de conduire (cf Societé Genérale/ Boursorama avec Carapass, Desjardins, Allianz, Direct assurance…) avec une diminution de la prime si leur comportement est vertueux; ou en assurance santé avec le « Pay as you live » selon le mode de vie des assurés, avec des baisses de cotisation s’ils suivent leur état de santé quotidiennement et adoptent un certain comportement (cf Generali avec l’offre “Vitality”où les clients suivant leur comportement cumulent des points et sont récompensés par des avantages chez des partenaires…).

Ces offres fonctionnent grâce à des objets connectés pour la collecte d’information et sont souvent couplées à des applications mobiles.

  • une assurance à la demande, activable / désactivable, de façon immédiate et/ ou de façon automatique parfois (via l’assurance paramétrique et/ou la blockchain).

Qui module le prix de l’assurance selon une durée, une prestation (exemple un trajet, une location..) et permet de s’assurer ponctuellement. Par exemple, depuis son smartphone, le consommateur peut répertorier ses biens, demander un tarif instantané et souscrire; résilier à tout moment en 1 clic de façon ultra simple (cf. Trov, Valoo ou la banque Revolut où il suffit d’activer une option dans son application mobile pour bénéficier automatiquement d’une assurance voyage dès le passage d’une frontière, en ne payant que pour les périodes effectives à l’étranger).

  • une assurance collaborative

Qui permet à des consommateurs regroupés de mettre en commun leurs risques et de s’assurer mutuellement au sein d’une communauté. Les assurances collaboratives proposent des offres créées en fonction des habitudes des consommateurs d’une communauté. Ces offres font preuve d’une grande transparence, s’appuient sur la solidarité par l’appartenance à une communauté restreinte et sont une excellente manière de responsabiliser les assurés (via le remboursement partiel des primes si peu de sinistre). (cf. des groupes affinitaires comme Friendsurance en Allemagne ou en France Otherwise et Wecover).

Avec une nouvelle expérience proposée en termes de personnalisation, simplicité, fluidité, transparence, lisibilité ; cette expérience est permise et facilitée par l’automatisation de l’ensemble de la chaîne de valeur via les données, l’IA, les « bots » et la blockchain   

Les clients souhaitent vivre avec leur assureur, le même type d’expérience qu’avec les acteurs qui sont « au top » de l’expérience (Apple, Amazon…) ; et cela est encore plus vrai avec les millennials…

Si certes les travaux chez les « acteurs  traditionnels » ont démarré, pour beaucoup, le chemin à parcourir est encore important… En effet, les clients sont encore confrontés à de nombreuses frictions. De la complexité, peu de fluidité entre les points de contact, beaucoup de justificatifs à donner et de procédures assez lourdes à suivre… Des axes clés sont à poursuivre sur l’exécution, la relation et l’émotion.

En bref, on est encore loin des standards et codes des meilleurs acteurs en termes d’usages, de services et d’expérience et surtout d’avoir l’ensemble des services attendus de façon fluide, simple et personnalisée. De plus, et c’est à mon sens le point clé à travailler, c’est encore très calé sur les process des assureurs et donc très « autocentré ».

Aujourd’hui, ce sont donc essentiellement, les nouveaux entrants qui montrent la voie et proposent une expérience client  en réponse à ces attentes en matière de personnalisation, transparence, lisibilité, réactivité, simplicité, fluidité.

Quelques illustrations clés:

  • Lemonade en habitation : une assurance instantanée, transparente, avec une souscription en 90 secondes, une déclaration de sinistre et un remboursement quasi instantané (3 minutes). Une expérience client vraiment différente en basant son système d’information sur le big data et l’intelligence artificielle. Depuis septembre 2016, maintenant présent dans de nombreux états américains,
  • One en habitation : une assurance immédiate, une souscription hyper rapide, une déclaration et un remboursement des sinistres immédiat, depuis fin 2017 en Allemagne,
  • Cuvva en auto avec une assurance à la demande pour une heure, un jour, la semaine, le mois…: une souscription entièrement dématérialisée et ultra rapide avec l’envoi d’un selfie et d’une photo du permis de conduire et de la voiture, en UK,
  • Trov pour un mobile, un vélo : une assurance à la demande avec des contrats « on / off » sur mobile avec une gestion sinistre ultra simple par chat en temps réel, en UK, Australie et aux Etats-Unis,
  • Alan en France qui réinvente l’expérience utilisateur santé en fournissant une couverture simple et transparente en ligne en quelques minutes avec 0 papier,
  • Fizzy par AXA France, promet, en cas de retard d’un vol aérien de plus de 2 heures, une indemnisation automatique, dès l’atterrissage, sans la moindre déclaration,
  • Clark après une analyse automatique de la couverture d’assurance des clients, propose des recommandations pour améliorer leurs assurances : comparaison, devis, conseils ; réalise le suivi des contrats et les interactions avec les différents assureurs… Présent en Allemagne et partenaire de N26. Une interface unique qui centralise toute l’information, et est le point de contact privilégié de l’assuré dans sa relation avec ses différents assureurs.

Ces acteurs proposent une expérience avec :

  • une personnalisation des offres et services qui sont adaptés au contexte du client, parfois proactives.
  • une transparence et une lisibilité des offres, en adoptant un langage ultra clair et simple.
  • une réactivité, simplicité, fluidité, au niveau de la souscription (des offres/services faciles à souscrire, instantanément, d’un simple geste / clic souvent dans une application mobile), de la vie du contrat, et de l’indemnisation (automatisée et immédiate, avec une expertise humaine recentrée sur le traitement des quelques cas complexes)
  • en tissant une relation clients à la fois d’une grande simplicité et personnalisée en utilisant la connaissance du client pour répondre à ses exigences de rapidité dans les contacts et interactions.

Cette expérience est permise et facilitée par l’automatisation de l’ensemble de la chaîne de valeur via l’IA, la robotisation (RPA), les « bots » et la blockchain. Les technologies font partie des leviers et accélérateurs pour offrir une meilleure expérience, simplifier, inventer de nouveaux services, et se différencier.

Elles rendent l’expérience client plus simple, plus attentionnée et personnalisée. Elles facilitent une meilleure connaissance et compréhension du client (collecte et analyse des données internes et externes), pour améliorer la prévention, les offres, le conseil. Elles offrent la possibilité de créer de nouveaux services, de nouvelles expériences clients et les enrichissent, et elles dopent la capacité à s’adapter et à toujours mieux satisfaire et enchanter les clients :

  • avec des modes de communication  beaucoup plus instantanés, proactifs et personnalisés, des interactions et interfaces utilisant le vocal, de plus en plus de temps réel, et une hybridation entre l’automatisation et la relation humaine. Nous passons d’une technologie très fonctionnelle à une technologie plus émotionnelle et personnalisée, davantage mise au service de l’humain. Le big data, l’IA et les algorithmes permettent aux « assistants » d’être de plus en plus précis, pertinents et personnalisés.
  • avec des garanties / services / offres activables, désactivables via un clic, ou en automatique
  • avec de la prévention renforcée et au cœur de ces services notamment avec l’internet des objets et les différents capteurs : assistance, conduite connectée, maison connectée, santé et bien-être…
  • avec des sinistres indemnisés de plus en plus en temps réel, de façon automatique et en utilisant les solutions de RPA pour les tâches récurrentes, et l’utilisation de la Blockchain.

 

Depuis plusieurs années, le phénomène des insurtechs s’amplifie, en réponse aux nouvelles attentes clients ou à leurs besoins non satisfaits : comment voyez-vous ces nouveaux entrants se positionner ? Constituent-ils une menace réelle pour les acteurs traditionnels du secteur ?  

Depuis quelques mois, les insurtechs aiguisent fortement l’appétit des investisseurs. Dans le monde en 2017, 331 investissements ont été réalisés, soit une hausse de près de 40% vs 2016. Pour un montant de 2,3 milliards de dollars. On compte environ 1 500 insurtechs aujourd’hui (source : rapport Accenture).

La plupart des insurtechs concentrent leurs efforts sur l’expérience utilisateur par exemple les interfaces utilisateurs et applications mobiles, les fonctionnalités pour simplifier, faciliter et accélérer les remboursements des sinistres … Et les insurtechs de services aux assureurs (B2B) pour améliorer l’efficience des processus se développent fortement.

Ma conviction est que cette arrivée massive constitue pour les acteurs traditionnels une réelle opportunité pour se transformer, se réinventer et se développer.

La perception des assureurs a profondément changé en peu de temps, en 2016, les ¾ des assureurs étaient inquiets de cette disruption annoncée. Et aujourd’hui, certes, ils sont préoccupés par ces nouveaux acteurs du secteur qui menacent une part de leur chiffre d’affaires : la majorité des acteurs estime que 20% de leur chiffre d’affaires est menacé par les insurtechs.

Malgré les menaces identifiées, plus de la moitié des assureurs pensent en 2017 que l’innovation doit devenir un élément central de leur stratégie. Les assureurs perçoivent bien les avantages que les insurtechs peuvent leur apporter en termes de développement de produits et de services, expérience utilisateur, capacités analytiques, technologies… Et surtout, ils sont de plus en plus enclins à s’associer avec des acteurs innovants. En effet, 45% des assureurs interrogés ont déjà noué un partenariat avec une Insurtech, alors qu’ils n’étaient que 28% en 2016 (source : étude PwC« Global InsurTech Report: Insurance’s new normal, driving innovation with InsurTech »)

La concurrence assureurs / insurtechs laisse donc la place à la collaboration pour relever les défis de transformation du secteur. Cette prise de conscience de l’importance des start-ups pour réussir sa transformation numérique est réellement actée et nous assistons à la ruée des grands groupes vers les start-ups . Partout, il est question de co-développement, incubation, hybridation, d’investissement. Les grands groupes d’assurance font de la collaboration avec les start-ups une priorité stratégique et accélèrent …

Les insurtechs sont davantage considérées comme un réel aiguillon à la transformation. En effet, elles impulsent une dynamique positive et constituent un formidable levier d’accélération et de complémentarité avec des effets notables sur la culture, le mode de travail et le fonctionnement. A condition néanmoins de trouver les bonnes façons de travailler ensemble compte tenu des différences…

 

Retrouvez le teaser du flashtalk  https://youtu.be/qBBEDoEf_K8

Et la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=A6Wob3gRQBA