Les nouveaux modèles d’assurance transforment-ils vraiment l’assurance, répondent-ils aux nouveaux besoins des clients ?
Retrouvez mon article suite à l’interview du 25 septembre 2018 au TDAY , en réponse aux questions de Nathalie Bathelier.
« Les nouveaux modèles d’assurance transforment-ils vraiment l’assurance, répondent-ils aux nouveaux besoins des clients ? »
Quels sont, selon vous, les grandes évolutions des usages et attentes des consommateurs ?
Nous vivons dans un monde digital, avec des consommateurs digitalisés. Un monde où le consommateur est hyper-connecté, informé, mobile et ubiquitaire. Un monde où de nouveaux usages et de nouveaux modes de consommation s’ancrent de façon durable avec des attentes fortes de personnalisation, d’instantanéité, de temps réel, de fluidité et de simplicité et de transparence.
Parmi les nouveaux usages et modes de consommation qui s’ancrent de façon durable, en voici quelques-uns…
Depuis plusieurs années, la dématérialisation permise par le numérique et le cloud nous fait évoluer d’une économie de la possession à une économie d’usage : avec notamment le streaming musical, la vidéo à la demande, le covoiturage… Ce modèle se développe et connaît un vif succès, notamment auprès des millennials. Ce mode de consommation à l’usage modifie le rapport des consommateurs à l’objet et au service et l’expérience client. Une tendance participative et collaborative qui repense les codes de la consommation.
Par ailleurs, nous cherchons aussi à consommer mieux, avec une certaine prise de recul par rapport à la société d’hyperconsommation, avec une vision plus écologique afin de préserver les ressources et l’environnement, une vraie quête d’authenticité, de traçabilité… Ces sujets sont au cœur des préoccupations citoyennes, avec la recherche d’un équilibre entre l’Homme et la Planète (cf l’autonomie énergétique, les circuits courts…). Et notamment le mouvement vers le «Tech For Good», pour se préoccuper de l’impact social de l’innovation et de sa capacité à être mise au service de l’humain et des enjeux globaux de nos sociétés…
Les attentes des consommateurs sont très fortes à différents niveaux : en matière de personnalisation (des offres et services adaptés au contexte du client, parfois proposés de façon proactive), de temps réel (quel que soit l’endroit où ils se trouvent), de fluidité, de simplicité (des produits avec une proposition de valeur et une promesse simples à comprendre, des offres/services faciles à souscrire, d’un simple clic, avec une indemnisation automatisée et immédiate); d’adaptabilité (selon l’évolution de leurs besoins) et de transparence de la relation…
Ces éléments sont aujourd’hui les « codes » des acteurs qui sont au top de l’expérience (comme Apple, Amazon…). Les clients souhaitent vivre avec leur assureur, le même type d’expérience et cela est encore plus vrai avec les millennials, où tous ces points, en termes d’usages, de modes de consommation et d’attentes sont totalement exacerbés.
Face à ces mutations, il s’agit de façon plus globale pour chacun de repenser la relation client et l’expérience utilisateur, de faire évoluer ses offres et services et sa façon de les concevoir et les vendre, de repenser sa proposition de valeur et son « business model ».
Quels sont, au regard de ces modes de consommation, les usages et attentes consommateurs, les grandes évolutions des offres et des « modes d’assurance » ?
Pour répondre à ses nouveaux usages et modes de consommation qui s’ancrent de façon durable et aux attentes des consommateurs, voici à mon sens les évolutions et impacts clés sur l’assurance. De nouveaux modes d’assurance sont proposés avec de facto une nouvelle expérience, je vous propose de les classer en 4 catégories :
à l’usage, comportemental, à la demande et collaboratif.
En complément, l’assurance s’adapte aux types de risques qui apparaissent et évoluent (exemple les cyberrisques)…
1 – une assurance à l’usage selon les modes de consommation, très personnalisée.
Qui module le prix de l’assurance en fonction de l’usage réel du consommateur par exemple en assurance auto, avec le « Pay when you drive » selon le nombre de kilomètres parcourus, le nombre de jours ou d’heures d’utilisation. Celle ci permet de payer son assurance selon l’utilisation effective du bien …(cf GMF, MMA, Groupama, Maif à la minute, Wilov …).
2 – une assurancecomportementale (souvent via des objets connectés avec très souvent des services de prévention).
Qui module le prix de l’assurance en fonction du comportement par exemple, en assurance auto, avec le « Pay How You Drive » selon la façon de conduire avec une diminution de la prime si leur comportement est vertueux; (cf Societé Genérale/Boursorama, Desjardins, Allianz, Direct assurance…) ; ou en assurance santé avec le « Pay as you live » selon le mode de vie des assurés, avec des baisses de cotisation s’ils suivent leur état de santé quotidiennement et adoptent un certain comportement (cf Generali avec l’offre “Vitality”où les clients suivant leur comportement, cumulent des points et sont récompensés par des avantages chez des partenaires…). Ces offres fonctionnent grâce à des objets connectés pour la collecte d’information et sont le plus souvent couplées à des applications mobiles pour les interactions. Elles reposent sur des algorithmes fonction du comportement mais également, et c’est vraiment l’avenir, sur des modèles de prévention des risques et sur une incitation à réduire son risque…
3 – une assurance à la demande, activable / désactivable, de façon immédiate et/ ou de façon automatique parfois (via l’assurance paramétrique et/ou la blockchain).
Qui module le prix de l’assurance selon une durée, une prestation, un événement (exemple un trajet, une location)et permet de s’assurer ponctuellement, pour couvrir un risque spécifique à un instant T. Cela existe depuis longtemps (exemple pour le voyage). On choisit plus finement ce qu’on assure, quoi, quand, ou, en toute transparence et cela redonne une sorte de contrôle aux assurés. Par exemple, depuis son smartphone, le consommateur peut répertorier ses biens, demander un tarif instantané et souscrire; résilier à tout moment en 1 clic de façon ultra simple (cf. Trov , Valoo, Cuvva) ou encore l’assurance voyage avec la banque Revolut où il suffit d’activer une option dans son application mobile pour bénéficier automatiquement d’une assurance soins médicaux dès le passage d’une frontière, en ne payant que pour les périodes effectives à l’étranger.
4 -une assurance collaborative
Qui permet à des consommateurs regroupés de mettre en commun leurs risques et de s’assurer mutuellement au sein d’une communauté. Des offres créées en fonction des habitudes des consommateurs d’une communauté. Ces offres font preuve d’une grande transparence, et s’appuient sur la solidarité par l’appartenance à une communauté restreinte et sont une excellente manière de responsabiliser les assurés (par exemple via le remboursement partiel des primes si il y a eu peu de sinistre) (cf. des groupes affinitaires comme Friendsurance en Allemagne ou en France Otherwise et Wecover ou encore Wizzas qui négocie l’achat groupé de produits d’assurance taillés sur mesure pour des communautés.).
Ces nouveaux modes d’assurance sont réellement facilités par les technologies (la data, l’Intelligence Artificielle, la réalité virtuelle, les capteurs et les objets connectés). Elles simplifient la création de nouveaux services, de nouvelles expériences clients et les enrichissent, et elles dopent véritablement la capacité à s’adapter et à toujours mieux satisfaire et répondre aux besoins des clients.
L’assurance « plus classique » ou selon ces différents modes est aussi de plus en plus intégrée aux biens ou services dans des offres beaucoup plus globale et proposée /inclue comme un « accessoire » du bien ou service (par exemple avec l’automobile et la mobilité (pour la location, partage, achat), avec les voyages, avec les logements, avec un smartphone, avec la pratique d’un sport, …).
Est-ce que ces nouveaux modèles d’assurance, ces nouveaux produits, transforment aussi la façon de les concevoir ? Comment ?
Ces nouveaux modes sont multiples et protéiformes et bien évidemment, tout cela n’est pas figé et cela va continuer à évoluer et à se transformer… (ex avec l’économie collaborative, les cyber risques, la mobilité, …).
On le voit clairement, il est crucial de s’adapter de façon permanente aux évolutions des usages, attentes, modes de vie, et aux nouveaux types de risques… Il est nécessaire de construire et bâtir ces nouveaux modèles et produits en continu….
S’adapter, se reinventer, cela implique inévitablement de nouvelles façons de faire et cela prend du temp…:
être très agile, mettre le client au coeur, s’ouvrir
-d’être très agile : tester, inventer ou adapter les offres /services et modèles de tarification, de tatonner, jeter, recommencer…Bref, de faire radicalement évoluer les méthodes de travail pour avoir des cycles plus courts : l’objectif est d’installer une culture de travail, avec de l’agilité, de la co-construction, avec des équipes aux profils multidisciplinaires, de l’amélioration continue, et surtout de la coopération transverse dans l’entreprise. Cela permet de réduire les délais et d’accélérer.
-de mettre le client au cœur (pour de vrai !) : Il doit être au centre pour les offres, services, interfaces, les parcours… Il s’agit d’écouter, observer, de se confronter à la réalité de leurs exigences, de mieux comprendre et connaître leurs besoins, attentes et usages…. Et aussi d’identifier les besoins émergents et anticiper les attentes (via la co-construction, et la co-création notamment). Et cela très en amont (lors de la réflexion et de la recherche utilisateur) et dans toutes les phases de conception, et ensuite après la mise en marché sans oublier de se nourrir de tous les feedbacks à travers un recueil extrêmement précis, complet pour améliorer en continu avec les utilisateurs.
– sans oublier de s’ouvrir et se nourrir de l’écosystème et l’ensemble de ses parties prenantes (partenaires, fournisseurs, start up, collectivités locales ….)… pour l’écoute et l’anticipation des usages, les technologies (exemple en mobilité travailler avec les autres acteurs de place en co-construction / partager)
En bref un changement de façon de travailler, centrée clients, avec à la fois de la vision, de l’ouverture, de l’écoute, de la co-construction et de la capacité d’exécution rapide.
Ces nouvelles modes d’assurance transforment-ils vraiment l’assurance, et vont-ils réellement se développer de façon massive? Quelles sont vos convictions ?
Pour certains types d’offres et de modes d’assurance, c’est parfois avant tout un bel habillage marketing et/ou juste un travail sur la forme (par exemple un service avec une expérience client fluide et simple sur une partie du process et c’est souvent la souscription), pour d’autres types d’offres et de modes d’assurance ce sont des évolutions assez profondes en termes d’assurance qui transforment la tarification, les modèles actuels et la relation avec l’assuré (par exemple, certaines offres d’assurance « comportementale » via des objets connectés ou « à la demande »)….
Ces nouveaux modes sont multiples et protéiformes on l’a vu et cela va continuer à évoluer.
A mon sens, une tendance de fond est d’aller vers de l’assurance sur mesure, personnalisée ; et les nouvelles offres d’assurance à la demande, à l’usage, en sont les toutes premières concrétisations (que l’assurance soit incluse dans le bien ou service ou qu’elle soit achetée en complément).
Nous allons vers une assurance encore plus personnalisée, et surtout évolutive sans intervention du client… Par exemple les garanties et la couverture se modulent et évoluent en fonction de certaines condition ou événements : si on est chez soi, si il n’y a personne, si on loue sa maison, si on invite des amis, … grâce à l’analyse de données et aux objets connectés. Les garanties et les tarifs sont adaptés instantanément et automatiquement…
Donc oui ils transforment et font évoluer l’assurance
Quand à leur développement massif ?
Pour tous ces modes d’assurance, il y a vraiment la nécessité de façonner et de trouver les bons modèles permettant la rentabilité (car par exemple proposer de l’assurance à la demande ou à l’usage sur un portefeuille automobile existant cela engendre de facto une baisse des primes… ; il faut donc être en capacité d’améliorer les résultats techniques et que cela « compense » )
En touchant les bonnes cibles de clients, en améliorant l’expérience utilisateur et proposant les offres pertinentes …. Donc avoir une assiette de primes, des process très lean facilités par les technologies disponibles aujourd’hui, adapter la prime à l’usage d’un bien et au comportement de l’assuré, et trouver un équilibre, en mêlant l’approche prédictive et la mutualisation des risques…
Donc il y a des freins de business model et de rentabilité, on peut trouver néanmoins des modèles, et aujourd’hui force est de constater que ce sont le plus souvent des nouveaux entrants qui proposent ces nouveaux modes : ils n’ont pas de portefeuille, c’est un moyen d’entrer sur le marché en répondant aux attentes et différenciant / et ils ont structure de couts très différentes avec des process très automatisés….