Accompagner les assureurs pour collecter et exploiter les données de conduite et proposer des services aux consommateurs

#Insurtech : rencontres avec ceux qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

C’est parti pour 10 questions à Philippe Moulin,  fondateur de DriveQuant

Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entreprenariat pour vous ?

J’ai un goût prononcé pour les sciences, et une formation d’ingénieur généraliste à l’école des Mines de Paris, complétée plus tard par un doctorat en mathématiques appliqués. J’ai commencé ma carrière dans le monde de l’automobile en recherche et développement.

Après quelques années, j’ai eu envie de créer mon entreprise pour deux raisons principales : en premier lieu l’envie d’être utile, d’avoir un impact ; et par ailleurs la frustration de voir que des travaux R&D d’excellente qualité n’étaient pas ou que très peu exploités. J’ai réalisé que pour pouvoir tirer véritablement la valeur de ces travaux, il fallait aller jusqu’à la création d’une l’entreprise. J’ai créé le projet DriveQuant en 2015, l’entreprise en 2017 et je continue à la diriger aujourd’hui.

Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?

Cette idée est venue lorsque je travaillais à l’institut de recherche IFPEN sur des projets de développement d’algorithmes de traitement de données de conduite pour véhicules connectés. Nous avions lancé en 2014 une application mobile B2C d’éco-conduite, appelée Geco. Cette technologie pouvait être très intéressante pour tous les acteurs de la mobilité. Aujourd’hui ces acteurs sont confrontés à une abondance de données et se trouvent démunis pour les comprendre et les exploiter. Et cela est particulièrement vrai dans le secteur de l’assurance auto.

Une industrie avec culturellement beaucoup d’appétence pour les données, assez en avance par rapport à d’autres secteurs, mais qui a besoin d’aide pour se digitaliser et suivre les évolutions technologiques.

C’est ainsi que j’ai décidé de créer DriveQuant pour répondre à ce besoin clé du marché de l’assurance automobile.

Quelle est votre proposition de valeur ?

Nous aidons les assureurs à collecter des données de conduite des consommateurs et à créer de la valeur et des services, pour améliorer la sécurité routière et faire baisser l’empreinte environnementale des déplacements, en particulier sur trois axes clés :

  • L’assurance : les données de conduite permettent de mieux connaitre le conducteur et le véhicule, et donc de mieux maîtriser le risque.

 

  • L’assistance : il est possible de détecter un accident et de le caractériser au moment où il se produit. Cela permet d’automatiser et d’optimiser une partie de la gestion du sinistre, et apporte de la valeur à la fois à l’assureur et à l’assuré.

 

  • La prévention : il s’agit d’aider les conducteurs à s’évaluer, à comprendre leurs points d’amélioration et les guider et les accompagner vers une conduite plus prudente. Et pour l’assureur c’est vertueux en permettant via cette prévention de diminuer le nombre de sinistres. Nous avons beaucoup travaillé sur une offre sur les smartphones, pour que les assureurs puissent développer des offres connectées à des coûts raisonnables et les déployer sur des volumes élevés de clients.

Quelle est votre  cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?

Nous sommes exclusivement B to B, nous travaillons à la fois pour les assureurs et les autres acteurs du secteur de la mobilité. Nous avons aujourd’hui une vingtaine de clients. En termes de nombre de véhicules connectés par notre technologie, nous sommes sur l’objectif de 1 million de véhicules en 2025 dans nos différents pays. Avec l’alliance que nous avons conclue avec FairConnect qui permet de nous aider à nous développer à l’international, nous sommes en bonne voie pour l’atteindre et pourrons viser certainement plus haut.

Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ?

Nous mettons notre technologie à disposition de nos clients sous la forme d’un abonnement mensuel par véhicule. Ce modèle  nécessite une capacité d’investissement importante et permet de capitaliser sur nos développements. C’est important pour le secteur de l’assurance qui n’aime pas prendre des risques : les assureurs peuvent lancer des projets sur des volumes faibles et apprendre sans investir beaucoup et comprendre la valeur que leur apporte cette technologie.

Notre modèle est le même depuis le lancement.

A quelle date serez-vous à l’équilibre ?

Au rythme actuel nous devrions atteindre l’équilibre d’ici deux ans. Il est probable que nous mettions en place un plan de développement encore plus ambitieux qui repoussera donc cette date.

Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de  l’assurance ?

L’évolution du secteur de l’assurance vers des offres connectées me semble une évidence. Sur le long terme, les avantages sont très importants : en termes de relation client, de prévention, de connaissance et de compréhension du risque, où tous ces aspects fondamentaux sont fortement améliorés.

Par ailleurs, grâce à la connectivité, des nouveaux entrants vont probablement prendre une place importante au moins dans la distribution de produits d’assurance. Via une assurance, soit embarquée dans un produit ou un service, soit proposée comme une option supplémentaire.

De nombreux nouveaux acteurs arrivent à prendre des parts de marché, encore très faibles, mais le marché peut basculer très vite et marginaliser les acteurs traditionnels. Les assureurs qui tardent trop leur transformation digitale, qui ne se lancent pas franchement sur ces sujets, risquent de perdre une partie de la chaîne de valeur de l’assurance.

Le secteur de l’assurance se trouve à un moment charnière. Il faut innover, les assureurs n’ont pas le choix car les barrières à l’entrée ne sont plus si grandes…

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de DriveQuant ?

Indiscutablement le plus difficile est le recrutement. Au début de la vie d’une entreprise il faut absolument créer une équipe avec des personnes déterminées qui soient alignés sur les mêmes objectifs avec le même état d’esprit. C’est à partir de ce noyau dur qu’on peut construire une entreprise, et c’est assez difficile de trouver les bonnes personnes.

La deuxième difficulté est la maturité du marché de l’assurance auto connectée en France. Ce marché se développe lentement, c’est donc difficile pour nous par rapport à des concurrents dans d’autres pays qui bénéficient d’un environnement beaucoup plus dynamique. Il était vital pour nous de créer un partenariat à l’étranger. Ce que nous  avons aujourd’hui avec FairConnect,  rentré majoritaire à notre capital et qui est très présent en Italie où l’assurance connectée est devenue « mainstream » depuis plusieurs années.

 

2 difficultés principales rencontrées : le recrutement, le manque de maturité du marché de l’auto connectée

Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de DriveQuant ?

Le point le plus important est lié à notre capacité à construire l’équipe, à trouver les bonnes personnes. Nous cherchons des profils passionnés par l’analyse des données et la Tech en général.

Ensuite, c’est de parvenir  à gagner des clients à l’étranger. Nous sommes sur la bonne voie, mais cela n’est pas encore suffisant.

Enfin, le dernier point est que les assureurs français déploient ce type de service sur des volumes importants. Cela nous permettrait d’atteindre nos objectifs : améliorer la sécurité routière et faire baisser l’empreinte environnementale des déplacements. L’idéal serait qu’un acteur bouscule le marché avec une vraiment offre innovante et fasse réagir tous les autres.

 

3 facteurs clés de réussite : construire l’équipe, gagner des clients à l’international, le déploiement de ses services sur de grands volumes

 

Et si c’était à refaire ?

Evidemment, je referais la même chose. C’est une expérience très riche, j’ai beaucoup appris. Nous ne nous sommes pas tellement trompés dans nos choix produit et de positionnement business. Nous aurions certainement pu être plus ambitieux, notamment dans notre développement à l’international, et c’est maintenant en cours !

 

Et en bonus…

Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec DriveQuant ?

Fin 2020 nous avons gagné un appel d’offres d’un gros assureur, que nous avons commencé à démarcher en 2015 😉 Tout vient à point à qui sait attendre…

Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?

Nous sommes en B to B, nous travaillons à l’international, notre nom signifie clairement notre proposition de valeur et notre activité : la quantification de la conduite. A l’avenir toute l’offre de Fairconnect va passer sous la marque DriveQuant, et leur activité habitation se nommera PropertyQuant.

 

Interview menée fin mai 2021 par Nelly Brossard

 

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