Assurer toutes les formes de mobilité, en temps réel, avec une tarification adaptée au risque et à l’usage
#Insurtech : rencontres avec ceux et celles qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
C’est parti pour 10 questions à Yuri Narozniak, co-fondateur et CEO de Datafolio
Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreneuriat pour vous ?
Mon parcours passe d’abord par l’intrapreneuriat. J’ai eu la chance d’entrer dans une « start-up » de l’assurance à 21 ans, chez Malvern Insurance Company à Hong Kong, en 1989… La Chine et le milieu anglo-saxon, m’ont beaucoup appris. J’en ai tiré l’esprit d’entreprendre, la liberté, et la capacité à regarder au-delà du cercle de contraintes existant.
J’ai aussi eu la chance d’avoir un parrain exceptionnel, Charles de Tinguy, grâce à qui j’ai connu l’Italie et les Italiens, qui m’ont fait découvrir la verticalité historique de la culture, l’horizontalité et la chaleur des rapports interpersonnels.
C’est tout cela pour moi l’entrepreneuriat : la liberté qui permet de dépasser les contraintes, la profondeur d’expérience et la puissance des relations humaines. C’est ce terreau et ma propension à l’innovation, qui m’ont permis de lancer en 2020 cette entreprise qu’est désormais Datafolio et de recruter une équipe hors pair.
Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?
Sur les hauts plateaux tibétains en 2013, lorsque pour Groupama-Avic nous avons, avec Zong Guo Fu, assuré 700 000 yaks… C’est là que l’idée de collecter la donnée de géolocalisation en temps réel m’est venue. Je pensais qu’elle nous permettrait de faciliter la gestion de sinistre, de mesurer l’exposition au risque réel et bien sûr d’apporter des services de prévention des risques et d’assistance, à l’époque aux éleveurs.
C’est en Italie finalement que j’ai déployé cette idée, sur un portefeuille d’assurance automobile connectées via des boîtiers, en créant en 2017 une société dédiée, G-Evolution, désormais intégrée dans le groupe FairConnect. Avec Datafolio, nous avons décidé d’aller beaucoup plus loin que les yaks ou les seules voitures en construisant une solution « temps réel » pour toutes les mobilités.
Quelle est votre proposition de valeur ?
Nous proposons une solution Mobile d’assurance et d’assistance en temps réel pour la mobilité multimodale, modulable, payée à l’usage et en fonction de l’exposition réelle au risque.
Notre solution peut être embarquée en quelques semaines dans toutes les plateformes de mobilité qui proposent des services de micro-mobilité partagée, de location courte ou moyenne durée de voitures (notamment électriques), ou qui gèrent des flottes de véhicules d’entreprise. Cette solution « embedded » permet d’apporter un revenu complémentaire lié à l’assurance à toutes les plateformes ou acteurs de la mobilité. Nous pouvons aussi mettre à disposition notre plateforme technologique à nos partenaires qui souhaitent l’intégrer dans leurs propres applicatifs.
Enfin, notre pricing à l’exposition au risque en temps réel supprime l’asymétrie d’information qui existe entre l’assuré et l’assureur et qui explique véritablement pourquoi assurés et assureurs ne se comprennent pas…
Quelle est votre cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?
Notre cible privilégiée, compte tenu de notre stade de développement, sont les plateformes de macro et de micro-mobilité qui sont en général pan-européennes en B To B to C.
Nous leur permettons de proposer, en opt-in, à leur clientèle une couverture complète, bien comprise, payée à l’usage en fonction de l’exposition au risque, équitable et très simple.
Nous insistons beaucoup sur l’UX et le parcours client. Nous fonctionnons en marque blanche et en API, et nous avons également une solution SDK ; c’est très souple et adapté au partenaire.
Nous avons à ce jour d’ores et déjà assuré plus de 500 000 trajets, en ayant démarré à la fin de l’été 2022. Fin 2023, nous devrions dépasser 200 000 clients. Notre croissance est très rapide, et nous visons plus de 1 million de clients actifs sur notre plateforme d’ici 3 ans, avec des volumes de primes par client bien sur très différents selon le partenariat et les produits proposés.
Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ? A quelle date serez-vous à l’équilibre ?
Nous sommes une insurtech, nous avons donc d’abord investi dans notre plateforme technologique que notre équipe de data-scientists et d’ingénieurs ont développé. Elle collecte de la donnée en temps réel et la transforme en « commandes » (démarrage d’un trajet, classification du véhicule, exposition au risque) grâce à nos trois moteurs de Machine Learning.
En tant que courtier grossiste (MGA), nous exploitons ces éléments pour proposer des produits d’assurance, les tarifer, et offrir des services de prévention des risques. Nous avons un système « Insurance as a Service » qui émet et gère des contrats et des sinistres. Nous sommes en partenariat avec plusieurs assureurs qui sont nos porteurs de risque.
La date à laquelle nous serons à l’équilibre, est très liée aux décisions stratégiques d’investissement. Le coût de « run » de notre plateforme est très faible et son potentiel de « scale » très important puisque nous pouvons y brancher tous types de produits d’assurance et de mobilité. Notre rentabilité dépend donc avant tout des décisions d’investissements complémentaires, eux-mêmes directement liés à nos choix de financement.
A date nous avons levé 4 M d’euros en Equity, nous nous dirigeons vers une série A, et ce sera la dimension de cette série A qui permettra d’ajuster notre roadmap d’investissement.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Datafolio ?
D’abord et avant tout le choix des priorités d’investissement.
Mais les cultures anglo-saxonne et chinoise d’entrepreneuriat sont basées sur l’efficacité et la persévérance autant que sur la versatilité et la flexibilité, chères notamment à Sun Tzu. Ces notions sont parfois contradictoires, et c’est la gestion de ces contradictions qui est parfois délicate…
Enfin, quand tu entreprends dans l’innovation, forcément tu explores, tu testes, tu cherches l’adoption. Celle que tu as finalement trouvée, est-ce la bonne ? As-tu eu raison, était-ce la bonne décision ?
3 difficultés principales rencontrées : le choix des priorités d’investissement, la gestion des contradictions, le doute lié à l’innovation
Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Datafolio ?
Le focus, c’est clé ! Nous voyons que les plateformes de mobilité constituent la bonne approche marché de notre solution, c’est ce qui apporte de la valeur au client final et bien sûr à notre partenaire.
Puis, l’élargissement de notre offre. Grâce à notre focus, nous construisons une base d’utilisateurs importante, que nos partenaires pourront à court terme équiper d’autres garanties grâce à la modularité de notre plateforme.
Enfin, un cadre de partenariat stable et de long terme avec nos porteurs de risque existants comme avec les nouveaux que nous cherchons. Ces partenariats sont basés sur une compréhension mutuelle, garantie par la flexibilité de nos outils de tarification et de gestion qui permet de nous adapter très rapidement à des évolutions d’usage ou de sinistralité.
3 facteurs clés de réussite : le focus, l’élargissement de notre offre, les partenariats stables et de long terme
Et si c’était à refaire ?
J’anticiperai notre focus de 12 mois. Cela aurait permis de financer l’innovation sur d’autres produits plus rapidement.
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et le rôle de l’insurtech ?
C’est bien sûr très prétentieux de formuler quelque prédiction que ce soit. Le secteur de l’assurance est par nature conservateur et résilient.
Son essence est d’absorber les chocs. Celui de la « comoditisation » – inéluctable – et de la digitalisation sera absorbé comme tous les autres par les grands acteurs internationaux.
Sous réserve de l’évolution de notre environnement géopolitique, le seul choc qui pourrait être majeur est celui lié à l’arrivée des acteurs chinois, qui sont très en avance sur ces sujets de la « comoditisation » et du digital.
Le rôle des insurtech est d’accélérer cette adaptation des modèles traditionnels et aussi d’offrir à de nouveaux acteurs, comme les plateformes, la possibilité d’y participer.
Quelles sont les sociétés insurtech ou autres start up qui sont vos modèles (les 2 ou 3 clés) en France ou dans le monde ?
ZhongAn en Chine ! Octo Telematics en Italie pour ce que cette société a représenté d’innovation technologique sur un marché très traditionnel. Metromile, désormais absorbée par Lemonade, en Californie, pour son modèle autour de la donnée.
Et en bonus…
Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Datafolio ?
Ce qui me fait sourire c’est que le premier cas d’usage, c’était les yaks sur les hauts-plateaux tibétains, et – in fine – nous nous adressons aux jeunes des métropoles adeptes de la mobilité multi-modale !
Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?
C’est l’un de co-fondateurs de Datafolio – Emmanuel Pierron – qui a trouvé notre nom. Il a le mérite de bien caractériser l’actif clé de notre proposition de valeur : la data en temps réel, protégée, et qui se transforme en valeur économique pour l’utilisateur.
Interview menée fin janvier 2023 par Nelly Brossard
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