Construire des solutions d’assurance innovantes, moins chères et adaptées contre les catastrophes naturelles et les aléas climatiques

#Insurtech : rencontres avec ceux qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

C’est parti pour 10 questions à Tanguy Touffut, co-fondateur de Descartes Underwriting

Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entreprenariat pour vous ?

Après des études en France, en Suisse et en Chine, j’ai débuté au sein d’Oliver Wyman dans le conseil en stratégie pour des institutions financières. J’ai eu la chance de travailler dans plusieurs pays et pour de nombreux assureurs. Au bout de 5 ans, j’ai rejoint le Groupe AXA où j’ai pu travailler 8 ans à différents postes de direction, notamment à la stratégie puis au sein d’AXA Corporate Solutions, l’entité en charge des grands risques avant l’acquisition d’XL. J’ai pu ensuite créer une nouvelle entité du Groupe en tant qu’intrapreneur ce qui n’a fait que confirmer mon attrait pour la création d’entreprise.

L’entreprenariat représente pour moi une forme de libération. Si votre projet entrepreneurial s’inscrit en plus en réponse à un des grands défis de l’humanité, comme la lutte contre le changement climatique, il permet de donner un sens à vos actions. Même si la vie d’un entrepreneur est exigeante et stressante, j’invite tous ceux qui hésiteraient à se lancer !

Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?

Pour les grandes entreprises, le secteur des assurances non-vie n’a pas connu de rupture notable depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Du côté des assureurs, les souscripteurs qui tarifent les contrats s’appuient sur des guides de souscription. Ces derniers sont enrichis au fil des expériences du marché ou de l’entreprise mais se construisent souvent en réaction à des crises et non en anticipation. Par ailleurs, même s’il y a des modèles pour la plupart des risques catastrophiques et des zoniers plus ou moins précis, la révolution liée aux nouvelles données n’a pas encore eu lieu. Enfin, en cas de sinistre, la police de l’assuré sera souvent fortement majorée voire résiliée. Le conflit et le manque de confiance sont aujourd’hui, comme hier, au cœur de la relation entre l’assureur et l’assuré.

Du côté des assurés, la proposition de valeur reste peu attractive pour les grandes entreprises : les coûts frictionnels représentent souvent +30% de la prime, et en cas de sinistre les règlements passent la plupart du temps par des litiges qui peuvent prendre plusieurs années et les couvertures sont rarement sur mesure.

Avec mes co-fondateurs, notre conviction est qu’il est non seulement possible, mais surtout nécessaire, de changer ce fonctionnement et d’assainir la relation entre assureur et assuré. Cela nécessite de repenser l’évaluation des risques, la gestion des sinistres et les interactions entre assureurs et assurés.

Quelle est votre proposition de valeur ?

Aujourd’hui et dans le monde, les pertes non assurées augmentent malheureusement plus fortement que les pertes assurées ce qui montre la nécessité de revoir en profondeur l’approche traditionnelle de l’assurance.

Nous construisons des solutions d’assurance innovantes contre les catastrophes naturelles et les aléas climatiques, à faibles coûts avec des règlements de sinistres rapides. Le risque est porté par nos partenaires, de grands assureurs et réassureurs internationaux dont le Groupe Generali, avec qui nous avons un partenariat. Nos produits sont exclusivement distribués par des courtiers auprès des entreprises.

Pour couvrir la grêle, le gel, les tremblements de terre, la sécheresse, les inondations, les tsunamis, etc., nous utilisons des données satellitaires ou différents capteurs au sol.

La valeur de ces données est extraite grâce à nos algorithmes et nos techniques d’intelligence artificielle. Grâce à cette approche, nous réglons les problèmes de fraude, d’aléa moral, d’anti-sélection pour offrir des couvertures plus justes, moins chères et avec des paiements extrêmement rapides en cas de sinistre. Pour nous, les nouvelles technologies apportent des solutions aux problèmes intrinsèques de l’assurance.

Quelle est votre cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?

Nous ciblons uniquement le segment des entreprises et des gouvernements. Nous sommes une start-up très internationale depuis notre création et nous avons des expositions dans le monde entier. En effet, nos clients sont souvent des multinationales qui ont des filiales partout dans le monde et nous cherchons à diversifier nos risques et réduire la volatilité de notre portefeuille. Nous avons une centaine de clients aujourd’hui dont plusieurs font partie du Fortune 500. Dans 3 ans, nous visons plus de 500 clients dont la plupart auront un chiffre d’affaires supérieur à 100 M €.

Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ?

Notre « business model » est simple : nous agissons pour le compte d’assureurs et de réassureurs de premier plan et sommes rémunérés par des commissions sur le volume de primes souscrites. Notre modèle n’a pas évolué.

A quelle date serez-vous à l’équilibre ?

Au premier semestre 2020, nous étions déjà à l’équilibre. Néanmoins, nous allons continuer à investir massivement dans la création de nos « hubs » en Amérique du Nord et en Asie et dans notre plateforme technologique. Cela a un coût très important et j’anticipe plusieurs exercices déficitaires pour financer une croissance entre 200 % et 300 %. C’est notamment l’objet de notre levée de fonds de 18.5 M $ au 3ème trimestre 2020. Nous sommes clairement dans une phase d’innovation et de conquête.

Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance ?

Je suis passionné par l’assurance et pourrais écrire un livre en réponse à cette question ! De manière synthétique, je crois en la noblesse du secteur des assurances : il a pour but de protéger les particuliers comme les entreprises contre les aléas de la vie et de financer durablement l’économie. C’est un leitmotiv de notre industrie et il ne faut jamais l’oublier, même si la Covid-19 a poussé certains assureurs et assurés dans leurs derniers retranchements. Ensuite, je reste très optimiste sur son évolution.

La profusion de nouvelles sources de données combinée à de nouvelles approches comme l’intelligence artificielle doit nous permettre d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’assurance.

Si les différents acteurs saisissent intelligemment cette opportunité, le secteur sortira renforcé de la crise et jouera un poids encore plus important dans l’économie. Enfin, je crois beaucoup aux partenariats entre start-up et grands groupes : il ne faut pas opposer les mondes mais prendre le meilleur de chacun.

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Descartes Underwriting ?

  • En premier lieu, il faut trouver le bon compromis ou le juste équilibre entre le très court-terme et le long-terme. Il est nécessaire de parer à la myriade de sujets du quotidien tout en libérant du temps pour ce que deviendra l’entreprise en 2025. En d’autres termes, il faut générer des primes tous les mois pour payer les salaires tout en investissant massivement dans la recherche et développement.
  • En deuxième lieu, il faut réussir à poser les fondations d’une identité culturelle très forte et fédératrice tout en intégrant continuellement de nouveaux collaborateurs. Nos collaborateurs viennent d’Amérique du Nord, d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Europe ou d’Asie. Ils doivent trouver un sens dans leur travail par-delà les frontières.
  • Enfin, il faut garder le cap, ne jamais se laisser distraire ni envahir par les sujets administratifs. C’est un combat quotidien contre des forces entropiques. Tout doit être fait pour converger vers une cible qui prendra plusieurs années pour être atteinte. Rien n’est jamais acquis et toute complaisance peut être mortelle.

3 difficultés principales rencontrées : le juste équilibre entre le très court-terme et le long-terme, une identité culturelle forte et fédératrice, garder le cap

Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Descartes Underwriting?

  • Premièrement, nous devons progressivement devenir le partenaire préféré des courtiers en Europe, en Amérique du Nord et en Asie pour la couverture de tous les risques naturels : de l’inondation à la tempête en passant par le tremblement de terre et la sécheresse. Cela passe par de nouveaux produits et de nouveaux modèles mais également par une obsession pour l’écoute de nos courtiers et de nos clients. La situation économique mondiale est durablement préoccupante et c’est dans ces moments de crise qu’il est possible de faire la différence.
  • Deuxièmement, nous sommes en train de construire une multinationale, à l’image de nos clients. La maison mère est en France mais nous avons déjà une filiale aux Etats-Unis et une autre bientôt en Asie. L’équipe compte plus de 10 nationalités différentes. Penser et agir de manière globale est une chance incroyable.
  • Troisièmement, le recrutement de talents, mathématiciens, littéraires ou commerciaux, explique en partie notre succès actuel. Le recrutement des bonnes personnes est un enjeu majeur pour toutes les start-ups. Nous sommes en compétition avec des acteurs établis, des « hedge funds » ou les GAFA. Il est important de se différencier et de continuer à offrir un environnement dans lequel tous les membres de l’équipe pourront progresser et s’épanouir.

3 facteurs clés de réussite : l’obsession pour l’écoute de nos courtiers et de nos clients, multinationale, le recrutement de talents

Et si c’était à refaire ?

Impossible d’être un entrepreneur en regardant dans le rétroviseur ! Je ne me suis jamais posé cette question. Spontanément, j’ai pourtant envie de répondre « nous referions tout à l’identique avec mes co-fondateurs ». En revanche, la question du « et si c’était à faire » est notre pain quotidien. L’avenir nous appartient. A nous de le construire selon nos convictions et, surtout, sans oublier les générations futures.

 

Interview menée mi-novembre par Nelly Brossard

 

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