Simplifier, aider et accompagner pour gérer de façon ponctuelle les principaux tracas du quotidien

#Insurtech : rencontres avec ceux qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

C’est parti pour 10 questions à Magaly Siméon fondatrice de Lily facilite la vie

Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entreprenariat pour vous ?

J’ai un parcours dans le secteur de l’assurance, avec 3 points clés, avant la création de mon insurtech. Au début de ma carrière, j’ai eu l’opportunité de découvrir, à la CNP, les opérations d’assurance de l’intérieur, c’est à dire la gestion et son rôle. Cela m’a permis d’appréhender son fonctionnement et de me rendre compte de la difficulté et de l’importance de son exécution au niveau du cœur de métier assurance. Ensuite, je suis devenue courtier au sein de Gras Savoye, et j’ai pu comprendre que la position « à coté du client » ou « alliée du client » était celle qui me correspondait vraiment le plus. Puis, je suis devenue dirigeante au sein d’une compagnie d’assurance, la CNP, et j’ai pu réaliser à quel point cette fonction – avec l’importance des sujets réglementaires, de conformité et de « compliance », m’éloignait in fine du client et de la réalité du terrain.

Ensuite, j’ai décidé de créer ma structure, et cette nouvelle étape est finalement le croisement de 2 éléments. D’une part, je n’étais pas toujours très confortable dans ma fonction de dirigeante. D’autre part, j’avais la conviction que pour le « bien du secteur de l’assurance », il fallait attaquer à la fois le sujet du service et aussi celui de la connaissance client, mais d’une toute autre façon que ce qui avait déjà été fait et essayé jusque là… Avec ce pas de coté vers l’entreprenariat, finalement, c’est le choix avec l’agilité et le test& learn en natif d’une start-up, de pouvoir à partir d’une base de clients, les engager pour améliorer leur satisfaction et leur connaissance.

L’entreprenariat me permet de me rapprocher des clients et de regagner fortement en efficacité. Si je perçois un besoin client ou une insatisfaction, je peux y répondre et l’adresser très vite, avec une grande réactivité et ainsi revenir à une orientation clients forte, qui est mon leitmotiv.

Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?

C’est un cheminement assez simple. J’ai réalisé que beaucoup de gens autour de nous ne disposent pas du bon réseau pour avoir la bonne information au bon moment – et que l’illusion de la surinformation avec l’accès à tout via Google notamment – donne quelquefois des gens mal informés au moment d’agir et de prendre une décision. Le déclic, c’est le cas d’un ami dont la maman a eu un accident domestique, chez elle, elle était hospitalisée, il était en panique et m’appelle juste après. Il ne savait pas quoi faire. Je lui ai organisé un rendez-vous avec une assistante sociale d’un assisteur de la place et après 20 minutes d’échanges, tout était clair pour lui. J’ai compris, à quel point il avait gagné en confort, cela m’a vraiment sauté aux yeux. Grâce a cet échange, il a pu appréhender la situation, être éclairé, et ainsi agir et prendre les bonnes décisions.

Je me suis dit, c’est incroyable ces offres existent, les gens n’en sont pas conscients, je vais créer la plate-forme qui, quand cet ami a un problème, lui apportera une aide !

Je suis donc entrée par le sujet des aidants, puis je l’ai étendu à d’autres sujets, grâce à des groupes qualitatifs avec des clients afin d’identifier et lister leurs préoccupations. J’ai ainsi identifié 3 grands thèmes : l’éducation, le domicile et les parents qui vieillissent. Ce sont 3 préoccupations où les consommateurs sont perdus et ne savent pas vraiment quoi faire !

Quelle est votre proposition de valeur ?

Lily est un service qui n’existait pas et c’est d’ailleurs une difficulté de le rendre intelligible.

C’est une plateforme pour aider de façon ponctuelle à gérer des tracas du quotidien.

Elle est composée de 3 éléments clés :

  • des contenus pédagogiques ;
  • une communauté pour échanger et poser des questions ;
  • une gamme de services.

Elle propose différents niveaux de services selon le besoin et l’intensité et la gravité de la situation… C’est une plateforme d’assemblage, à la fois de nos services propres et de ceux de partenaires avec qui nous contractualisons et pour laquelle nous avons mis en place un label. Celui-ci permet d’apporter de la confiance et un gage de qualité aux clients.

Nous avons en effet construit Lily Facilite la vie sur un socle de 2 valeurs : la bienveillance (la capacité à écouter sans jugement et d’aider en étant a coté et non pas « au-dessus ») et la fiabilité. Notre label est la garantie que ces prestations proposées sont bien fidèles à ces valeurs. Enfin, nous avons mis en place un coefficient d’utilité des services qui est donné chaque année par les clients à la fois sur la qualité du service et la réponse à leurs attentes. Notre objectif est de devenir la solution de marché sur ces sujets.

Quelle est votre cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?

Nous fonctionnons sur un modèle B to B to C. Il s’agit de convaincre les assureurs (et aussi les courtiers ou distributeurs d’assurance) que grâce à nous, ils vont renforcer leur présence et leur lien auprès de leurs clients et leur connaissance clients. Ce sont les 2 faiblesses majeures du métier d’assureur (la fréquence de contacts coté assureur est de 1 contact tous les 5 à 7 ans et avec notre service, c’est la possibilité d’avoir 1 contact par mois). Lily Facilite La Vie est construit pour donner des indicateurs et contribuer à la connaissance clients pour chaque assureur partenaires par la conception de personas dédiés au fil de l’eau. Nous avons un apport très fort en termes de connaissance clients pour les assureurs…

Aujourd’hui, nous avons 10 000 membres sur la plateforme. Notre objectif est d’en avoir 80 000 à 3 ans. Et nous avons 2 assureurs comme clients pour le moment. Notre objectif est d’avoir 5 assureurs d’ici à 3 ans. Nous avons une bonne satisfaction de nos membres et nous sommes dans une vraie logique de co-construction avec les assureurs pour identifier et /ou creuser avec eux des sujets.

Quel est votre business model ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ?

Nous fonctionnons avec une licence par assuré, achetée pour le portefeuille global de l’assureur. Celle-ci comprend l’accès à la plate-forme et aussi toutes les actions d’engagement et d’animation des clients que nous menons pour les faire venir et revenir. Ces actions sont partagées avec l’assureur.

Notre modèle n’a pas évolué, il a juste été affiné. Par ailleurs, nous ne prenons pas de rémunération sur la vente de services aux clients, nous facturons juste aux partenaires les coûts de mise en ligne des services et d’animation. C’est un point important dans notre modèle et cohérent. Les services sont poussés car se sont ceux qui répondent aux besoins des clients, nous avons une vision à long terme.

A quelle date serez-vous à l’équilibre ?

Nous prévoyons l’atteinte de l’équilibre en 2022. Jusqu’à présent nous sommes en autofinancement. Nous avons une structure de coûts agile et notre structure est « scalable ». Nous n’excluons pas l’entrée d’investisseurs pour encore « booster » notre développement commercial.

Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance ?

L’assurance est un secteur où nous sommes collectivement enfermés dans toujours plus de réglementaire et de technique (conformité, capitaux propres, solvabilité) avec par ailleurs, une demande des clients de personnalisation et de relation très forte. C’est comme si nous faisions un grand écart avec des clients qui veulent qu’on s’occupe d’eux et des assureurs qui sont dans le réglementaire. Cette situation constitue un gros risque pour notre secteur.

La création de nouveaux courtiers ou nouveaux assureurs démontre que la barrière à l’entrée (réglementaire et fonds propres) est au final une fausse barrière et que avec les data et la connaissance clients, il est possible de faire de l’assurance, notamment de niche, là où c’est rentable. Quand on regarde les insurtech, elles se construisent autour de la connaissance clients et de la proximité forte. C’est ce qui manque globalement aux assureurs et les rend « colosses aux pieds d’argile ». La loyauté de nos clients a un impact positif sur la consommation de nos capitaux propres et investir dans la fidélisation et la rétention donne un retour sur investissement fort. Se développer pour alléger les besoins en fonds propres passe par de la diversification et de la fidélisation.

A l’heure actuelle, je pense que 80% des assureurs sont toujours enfermés dans réglementaire et le technique. Certains bougent et ils sont minoritaires. J’ai espoir que cela change… Il est crucial de s’intéresser aux services et aux clients pour penser et mettre en oeuvre des solutions… Seuls 5% des collaborateurs des compagnies d’assurance travaillent réellement sur la création de produits et services (la majorité des collaborateurs sont focalisés sur le technique, la gestion, la distribution). C’est un secteur qui manque cruellement de marketing et d’orientation clients. De ce fait, je ne suis pas forcément très optimiste sur la suite du coté des assureurs… Notre secteur est encore en silo et en branches très séparées, par construction, il est donc difficile de bouger. Et souvent, plutôt que de partir d’un sujet et le mettre en œuvre, les assureurs lancent d’énormes projets lourds et sur de nombreuses années.

Néanmoins, est-ce que l’on a tout essayé pour changer ? Une piste serait, pourquoi pas, pour les assureurs de développer « from scratch » avec des profils différents, une nouvelle compagnie avec une nouvelle façon de faire et de nouveaux process qui pourrait intégrer les clients « actuels » au fil de l’eau… Histoire de faire autrement ?

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Lily facilite la vie ?

  • En premier lieu, réussir à me défaire de mes réflexes de dirigeante de grands groupes. J’ai fait des erreurs en raisonnant comme dans un grand groupe et la notion de « test and learn » a été pour moi relativement longue à intégrer.
  • Ensuite, arriver à rendre intelligible un nouveau type de service qui n’existait pas, est assez compliqué dans l’absolu.
  • Enfin, la difficulté de recrutement. En effet, quand on est en autofinancement, c’est compliqué. C’était vraiment le cas jusqu’au confinement, puis ensuite compte-tenu de la situation.les possibilités de recruter des bons profils se sont ouvertes.

3 difficultés principales rencontrées : quitter mes réflexes de dirigeante de grands groupes, rendre intelligible ce nouveau service, le recrutement

Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Lily facilite la vie ?

  • Etre toujours très attentive aux feedbacks et être capable de se remettre en cause et savoir faire évoluer les choses (offre, vision), c’est une des clés.
  • Etre très attentive au management des équipes pour que le cadre soit très clair et que chacun sache ce qu’il a à réaliser, notamment avec mes 2 associés. Et avoir aussi un bon pacte d’actionnaires…
  • Enfin, l’expérience et le réseau aident beaucoup, cela permet de bénéficier d’une véritable confiance accordée, de bienveillance et d’apports d’idées et de business.

3 facteurs clés de réussite : les feedbacks et la remise en cause, le management des équipes, l’expérience et le réseau

Et si c’était à refaire ?

Je referais pareil, en évitant certaines quelques erreurs certes. Je repartirais exactement sur le même projet. Car il raccroche une vision stratégique et opérationnelle et des valeurs. C’est une façon vraiment très excitante de gagner ma vie. Un point à noter, je recruterais plus vite car le sang neuf est un vrai accélérateur.

Interview menée mi-novembre par Nelly Brossard

 

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