Créer une compagnie d’assurance agile pour concevoir et proposer rapidement des nouvelles offres sur-mesure en marque blanche pour des partenaires
#Insurtech : rencontres avec ceux qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
C’est parti pour 10 questions à Philippe Mangematin co-fondateur de Seyna
Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entreprenariat pour vous ?
A ma sortie d’école de commerce en 2008, j’ai commencé dans le conseil en stratégie, chez AT Kearney, et c’est là que j’ai découvert le monde de l’assurance avec la création de La Banque Postale Assurances IARD. C’était mon premier dossier d’agrément de compagnie d’assurance (au passage c’est aussi à ce moment-là que nous nous sommes rencontrés Nelly ;-)) ! Une première expérience entrepreneuriale déjà à l’époque, avec la naissance d’un nouveau bancassureur en France. Le monde de l’assurance m’a beaucoup plu et c’est pourquoi j’ai souhaité m’y spécialiser, en allant chez Milliman en conseil en actuariat, beaucoup sur les sujets Solvabilité 2. J’en ai profité pour passer mon diplôme d’actuariat. Enfin, avant de fonder Seyna, j’étais Chargé de clientèle et Souscripteur en réassurance, chez Swiss Re. Ces expériences ont été complémentaires sur différents domaines de la chaîne de valeur de l’assurance. J’ai eu la chance d’avoir des managers qui ont aussi été des mentors et m’ont laissé beaucoup d’autonomie. Créer une compagnie d’assurance moi-même, c’était finalement une suite logique aux missions que j’ai eues pendant les 12 dernières années.
Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue?
J’ai assisté, comme beaucoup, à l’émergence, puis à l’adoption massive de nouveaux modes de consommation. On pense évidemment au e-commerce, mais aussi aux nouvelles mobilités ou encore à l’économie du partage.
Le point commun de tous ces nouveaux usages est que des besoins apparaissent en termes d’assurance, qui demandent des solutions sur-mesure pour couvrir ces nouveaux risques.
Nous aurions pu choisir de distribuer des produits d’assurances conçus par d’autres compagnies d’assurance, et nous établir en tant que courtiers, mais avons délibérément choisi de devenir une compagnie d’assurance, afin d’avoir toute la liberté possible pour créer des nouveaux produits, les plus simples et les plus utiles possibles. Cela a été un long travail pour obtenir l’agrément de l’ACPR, près de 1 200 pages de dossiers, des mois de travail, et nous sommes aujourd’hui heureux d’être la 2e compagnie d’assurance indépendante, après Alan, à avoir été agréée en 35 ans.
Quelle est votre proposition de valeur ?
En tant que compagnie d’assurance, nous avons la capacité de concevoir des nouveaux produits sur-mesure. Nous sommes partis d’une feuille blanche pour construire l’ensemble de nos processus qui, tout en respectant l’ensemble de la réglementation, nous permettent d’accélérer le délai de conception et de mise en marché.
Nous co-créons les produits avec nos partenaires courtiers, plateformes de e-commerce ou insurtechs, et ces produits sont ensuite vendus en marque blanche dans leurs réseaux.
Nous croyons beaucoup à la collaboration avec tout un écosystème de partenaires afin de tirer partie des forces de chacun. Grâce aux meilleures solutions technologiques, et grâce aux API que nous avons développées, nous sommes capables de lancer un nouveau produit en quelques semaines, soit un délai incomparable par rapport aux standards du marché. Ce délai de création très raccourci permet à nos partenaires de pratiquer le « test and learn », de tenter des nouvelles choses, et d’adapter le produit pour trouver plus rapidement son marché. Cela évite de passer des semaines à réfléchir en chambre sans savoir si son idée va trouver son public (et avec toujours beaucoup de doutes sur la rentabilité technique du produit).
Quelle est votre cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?
Nous travaillons uniquement en marque blanche, et nos produits sont vendus par des tiers sur un modèle de B to B to C. Nous croyons en effet que l’assurance sera de plus en plus vendue par des tiers dont le métier principal n’est pas de vendre de l’assurance. Nous avons aujourd’hui près de 13 000 clients assurés, sur une douzaine de produits en vente.
Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ?
Nous avons un business modèle d’assureur, et notre rentabilité vient de l’équilibre technique de nos contrats. Nous ne plaçons pas nos primes sur les marchés, et n’avons aucun revenu lié au placement des actifs (ce qui, de toute façon, compte tenu des dynamiques des marchés, serait extrêmement difficile et hasardeux). Pas de pivot ou d’évolution encore à l’étude !
A quelle date serez-vous à l’équilibre ?
Nous avons des charges fixes qui sont principalement des charges de personnel, nécessaires pour respecter l’ensemble de nos prérogatives d’assureur. Nous serons rentables à moyen-terme, une fois que les volumes seront suffisants pour amortir les coûts fixes et les investissements initiaux, qui n’ont pas vocation à suivre la même trajectoire que celle du chiffre d’affaires.
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance ?
Le marché de l’assurance intéresse de nombreux acteurs qui sont pour l’instant en dehors du secteur, les Gafa en premier lieu, ou encore des grands groupes asiatiques. C’est en effet une industrie essentielle pour le quotidien de milliards de personnes, et qui sera amenée à jouer un rôle clé dans les prochaines années, que ce soit dans le traitement des dérèglements climatiques, des risques émergents comme le cyber, ou encore les gestions des pandémies. Mon avis est qu’il y aura des nouveaux entrants dans l’assurance, et qu’il faut se préparer pour anticiper les chocs potentiels.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Seyna?
Je dirais, du plus « standard » entrepreneur au plus « spécifique assurance » :
- Les difficultés du quotidien de l’entrepreneur, convaincre puis fidéliser ses clients, recruter les bons profils, bien gérer ses frais généraux, savoir bien s’entourer pour ne pas trop subir ce sentiment de solitude et d’incertitude. L’aléa énorme qu’il faut savoir gérer, avec le plus d’agilité possible, comme on peut le voir avec la crise sanitaire et économique du moment, qui du jour au lendemain change complètement le plan de marche que nous avions imaginé.
- En tant que jeune startup, compagnie d’assurance, nous avons également la caractéristique d’avoir dû lever très tôt des fonds pour constituer nos fonds propres. La gestion de l’actionnariat et de leurs attentes fait partie des impératifs de l’entrepreneur et une priorité pour moi.
- Enfin, l’environnement de régulation très forte qui pèse sur le secteur de l’assurance en fait un dernier challenge passionnant, entre les règles prudentielles de Solvabilité 2 que nous sommes tenus de respecter comme n’importe quel assureur, ou encore la DDA qui est en train de révolutionner la distribution des produits d’assurance.
3 difficultés principales rencontrées : l’aléa à gérer avec de l’agilité, la gestion de l’actionnariat, la régulation très forte
Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Seyna?
Je dirais bien réussir les différents défis évoqués plus haut ! Fidéliser nos clients et grandir avec eux, bien gérer la croissance et gardant la rentabilité technique comme priorité (pas de dumping sur les prix), et cela passe par le recrutement et la fidélisation des talents que nous avons la chance d’avoir chez Seyna.
3 facteurs clés de réussite : fidéliser nos clients, bien gérer la croissance et la rentabilité technique, le recrutement et la fidélisation des talents
Et si c’était à refaire ?
Je referais exactement la même chose !
Interview menée mi-octobre par Nelly Brossard
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