Le renouveau de l’assurance embarquée au service du commerce
#Insurtech : Rencontres Insurtech 2024. Une nouvelle saison d’échanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech ! Des acteurs qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
C’est parti pour 11 questions à Mathis Batoul CEO et co-fondateur d’Estaly
Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreneuriat pour vous ?
J’ai grandi à Palaiseau, en banlieue parisienne. J’ai fait une prépa, puis HEC Paris et un master à l’École Polytechnique. J’ai toujours eu envie d’entreprendre, sans trop savoir pourquoi. Ça m’a toujours attiré. J’ai toujours vu ma mère entreprendre, je pense que ça m’a beaucoup inspiré. Il reste qu’à la fin de mes études, je me destinais plutôt à continuer les maths ou à faire de la finance de marché.
Lors de mon dernier stage, dans un centre de recherche en machine learning, je travaillais sur un projet open source financé en partie par des assureurs ; c’est là que j’ai découvert l’assurance lors d’ateliers de travail sur l’utilisation de la technologie, sur notamment des problématiques de tarification. La dimension technique du secteur m’a beaucoup plu et intrigué. C’est à ce moment que j’ai rencontré Youssef Kanouni, mon futur associé, qui lui a toujours baigné dans l’assurance. C’est une affaire familiale chez les Kanouni. Nous avons eu envie très vite de créer une entreprise ensemble dans le secteur de l’assurance.
Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?
Je voulais monter un business avec Youssef et je voulais le faire dans l’assurance. De mon côté, j’étais aussi très fan de ce que faisait Alma dans le BNPL. J’aimais l’idée de démocratiser l’accès à un service financier complexe, le paiement fractionné, grâce à la technologie. J’en parlais avec Youssef et Karim lorsqu’ils faisaient leur stage de vente chez Darty dans le cadre de leur master. Lorsqu’ils m’ont décrit leur expérience de la vente d’assurances affinitaires (paperasse, pratiques parfois douteuses, petites lignes, etc.), nous sommes venus à la conclusion qu’il y avait quelque chose de similaire à faire dans l’assurance : réinventer l’expérience client et démocratiser cette proposition de service à tous les commerçants.
Quelle est votre proposition de valeur ?
Pour les consommateurs, Estaly offre des garanties d’assurance pour leurs biens physiques de valeur achetés chez des commerçants ou e-commerçants, simples et transparentes, au bon prix, au moment opportun, avec une réactivité exceptionnelle en cas de sinistre (97 % des sinistres sont traités en moins de 24 h aujourd’hui).
Pour les commerçants, Estaly propose une solution clé en main d’assurance des biens que leurs clients achètent. Ainsi, ils augmentent leurs marges et fidélisent leurs clients, quelle que soit leur taille ou leur secteur. Au quotidien, nous sommes un véritable partenaire business pour nos commerçants.
Notre accompagnement commence avec l’assurance, mais va bien au-delà (intégration dans le parcours de vente, formations, animation des ventes, pratiques commerciales, etc.).
Quelle est votre cible de clients (BtoC, BtoB, BtoBtoC) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?
Aujourd’hui, Estaly est un pur modèle BtoBtoC : nos produits d’assurance sont exclusivement vendus par nos marchands partenaires, retailers physiques (indépendants, franchisés des grandes enseignes, etc.) ou e-commerçants. Nous sommes présents sur une quinzaine de verticales pour les biens physiques et les biens de valeurs (électroménager, biens électroniques, luxe, mobilité, santé …)
Nous accompagnons aujourd’hui 300 commerçants en France, en Belgique et dans les DOM-TOM.
Dans 3 ans, nous ambitionnons d’accompagner plus de 5 000 commerçants et d’être présent dans les principaux marchés en Europe sur 20 verticales. En termes de clients assurés, nous visons le million dans 3 ans.
Comment travaillez-vous avec l’ensemble de l’écosystème et avec quelle (s) grande(s) famille(s) (assureurs / mutuelles / assisteurs… autres) aujourd’hui ?
Estaly est positionné aujourd’hui comme un MGA, c’est-à-dire un « super-courtier », responsable de la souscription des risques et de leur gestion. Nous sommes partenaires d’assureurs et réassureurs et travaillons avec tous les plus grands noms de la place, des plus traditionnels et établis aux plus jeunes et dynamiques : Covéa, AIG, et aussi Acheel.
Sur certaines affaires, nous sommes également amenés à travailler avec des grossistes / souscripteurs, experts de certains risques, pour développer le meilleur programme pour le marchand.
Nous développons aussi activement des partenariats de distribution avec des courtiers hors affinitaires, pour être leur permettre de proposer un nouveau type de service à leurs clients B2B commerçants ; ils montent un projet affinitaire avec leurs clients commerçants en co-courtage avec nous.
Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ? À quelle date serez-vous à l’équilibre ?
Le business model d’Estaly est un modèle de pur intermédiaire d’assurance. Nous nous rémunérons en percevant une partie de la prime d’assurance, pour notre activité de conception, distribution et de gestion du produit.
Nous ne facturons pas de frais de setup, d’intégration ou de maintenance.
À mesure que nous remontons la chaîne de valeur – nous avons maintenant une délégation de souscription pour un grand nombre de risques – la part des primes perçue par Estaly augmente naturellement.
Nous visons la rentabilité pour Q2 2025.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein d’Estaly ?
La première, est que l’assurance est une industrie qui repose sur la confiance entre les différents acteurs. C’est donc une industrie où l’expérience joue pour beaucoup. Étant jeune (25 ans au lancement de la société) et sans expérience dans l’industrie, il a fallu convaincre des premiers porteurs de risque de nous suivre, sur la base de pas grand-chose pour être très honnête. C’était décisif puisque sans la capacité, nous n’aurions pas été en mesure de lancer une première offre et donc de lancer l’activité.
La seconde est le financement. De façon globale, cela n’a pas été facile récemment pour les start-ups de l’assurance, suite à la déception provoquée par plusieurs belles boîtes de l’industrie (WeFox, Luko, etc.). Les VC ne comprennent globalement pas grand-chose à l’assurance, et il a fallu les convaincre que le modèle d’Estaly était bien différent de celui de ces start-ups.
La troisième est que l’affinitaire est un marché qui a fortement souffert récemment de différents scandales qui ont fait beaucoup de mal (Indexia …)… Il y a un enjeu fort d’arriver à redorer l’image de l’affinitaire auprès des clients finaux et auprès des commerçants. Nous sommes très visibles et transparents avec notre marque Estaly pour cette raison-là. Nous ne faisons pas de marque blanche.
3 difficultés rencontrées : convaincre les premiers porteurs de risque, le financement, un marché dont l’image est à redorer
Quels sont pour vous les 3 facteurs clés pour la réussite d’Estaly ?
Le premier est de tenir notre promesse forte de transparence et d’intégrité pour nos clients finaux.
Le second est d’internaliser toutes les composantes importantes de la chaîne de valeur, de la souscription à la gestion de sinistres pour garantir une grande qualité de l’expérience à nos clients et l’équilibre technique de nos programmes.
Le troisième est d’utiliser la Tech pour résoudre toutes nos problématiques opérationnelles et permettre à tous les commerçants, quelle que soit leur taille, de proposer Estaly à leurs clients.
3 facteurs clés de réussite : transparence et intégrité pour les clients finaux, internaliser toute la chaîne de valeur, utiliser la Tech
Et si c’était à refaire ?
“So far, so good”. Dès le début de l’aventure, nous avons voulu bien nous entourer pour compenser notre manque d’expérience dans l’assurance. Ça nous a permis d’éviter de grosses erreurs et d’accélérer notre apprentissage.
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et le rôle de l’insurtech ?
Le monde de l’assurance s’est largement digitalisé, notamment sur la souscription. Les parcours digitaux fluides sont devenus aujourd’hui une commodité. Néanmoins, c’est encore complexe sur la partie gestion aujourd’hui et il y a encore du travail en termes de digitalisation.
Concernant l’insurtech, il y a eu beaucoup de déceptions. La seconde génération d’insurtech doit repenser son modèle et faire en sorte de travailler de façon pragmatique avec les acteurs historiques. L’assurance est une chaîne de valeur très fragmentée, avec des métiers très différents. Les insurtech peuvent apporter de la valeur sur un grand nombre de maillons de la chaîne. Porter le risque n’est pas toujours la voie. Je crois que c’est l’une des tendances de fond importantes.
Et par ailleurs, je crois qu’on a besoin d’un retour au “sérieux” technique côté insurtech.
Quelles sociétés sont vos modèles (insurtech ou autres start-up, les 2 ou 3 clés) en France ou dans le monde ?
Sur l’approche du marché et la vision, comme je l’expliquais plus tôt, Alma, m’a beaucoup inspiré au début de l’aventure. Un produit tech au service de l’économie réelle, à destination des commerçants et de leurs clients, ça me plaisait beaucoup.
Doctolib , pour son modèle de croissance, très orienté vente aux PME;
Et en bonus…
Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Estaly ?
Pour devenir courtier en France, qui est une activité régulée, il faut obtenir un agrément de l’Orias et démontrer une capacité professionnelle. Pour cela il existe 2 façons de faire. La première est de montrer que l’on a un Master 2 de l’Université ou d’une grande école; ce qui n’était pas notre cas, puisque nous avons monté Estaly en dernière année d’études… Et nous n’avions pas encore notre M2; Nous sommes donc passés par la seconde façon, suivre un MOOC de 150 heures pour acquérir tous les savoirs fondamentaux pour exercer ce beau métier du courtage. Nous l’avons fait en un temps record, puisque nous avons décidé de faire la demande après avoir monté l’entreprise, après avoir signé les premiers clients, et après avoir signé un partenariat avec un assureur. Et il nous restait 3 semaines avant de commercialiser. Nous nous y sommes mis youssef, Karim et moi et nous l’avons fait en 3 semaines… Ce que je ne recommande pas… Mais parfois l’entrepreneuriat exige qu’on prenne des raccourcis.
Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?
Le nom de la société m’est venu en vacances à Biarritz, une ville que nous apprécions beaucoup tous les trois, Youssef, Karim et moi. “Estali” signifie “protéger” en basque.
Interview menée en septembre 2024 par Nelly Brossard
Retrouver cette interview en video sur Youtube : video intégrale
Et l’extrait sur la proposition de valeur
Une série d’interviews réalisée en partenariat avec Macif et ITESOFT
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