Nous coopérons avec les insurtech pour plus d’efficience et ensemble aller plus loin et plus vite
Assureurs & #Insurtech : rencontres avec ceux qui se transforment ! Echanges avec les dirigeants et dirigeantes d’assurance qui coopèrent avec les insurtech pour se transformer.
C’est parti pour 10 questions à Isabelle Hébert, Directrice Stratégie, Digital, Marketing et Relation Clients, Membre du CDG de AG2R La Mondiale
Quels sont les points clés de votre parcours de dirigeante ?
Je viens du secteur de l’éducation et de l’enseignement, avec des études à l’ENS et à l’ENSAE en statistiques, mathématiques et données. J’étais destinée à une carrière dans la fonction publique. J’ai effectué un gros pivot avec un saut vers la fonction privée aux Etats-Unis dans l’assurance santé, au départ pour 2 ans et in fine durant 10 ans, chez Cigna puis chez Aetna. Pour ces 2 grands acteurs américains, j’ai travaillé dans des univers de l’assurance santé et des services très matures en touchant à tous les éléments de la chaîne de valeur et en ayant la chance de changer de fonction tous les 18 mois à 2 ans. J’ai aussi fait un passage au Moyen Orient à Dubaï pendant 2 ans pour Aetna. De retour en France, j’ai travaillé chez Malakoff Médéric au moment où il fallait élaborer la stratégie de services et d’innovation en utilisant notamment l’inspiration forte puisée aux USA pour définir et développer les différents services aux entreprises et les réseaux de soins… Puis, je suis entrée dans le secteur de la Mutualité avec la MGEN d’abord sur une activité assurance et ensuite en prenant sa Direction Générale, avec une participation forte à la création du groupe VYV et notamment à sa dynamique de services innovants. Cette année, j’ai rejoint AG2R La mondiale, où je développe et porte les sujets « clients » en santé, prévoyance et épargne retraite avec un focus important sur le digital, la data, le marketing et la relation clients.
Quelles sont les différentes insurtech avec lesquelles vous travaillez ? Sur quels maillons dans la chaîne de valeur assurance ?
Sur ce point, je souhaite distinguer 3 champs :
- Les insurtech qui sont des concurrentes avec qui nous ne travaillons pas et dont nous nous inspirons comme Alan et d’autres grosses insurtech dans le monde. Il s’agit d’un monde très intéressant à observer et à analyser.
- Les insurtech qui sont positionnées sur différents éléments de la chaîne de valeur avec qui nous travaillons. Elles sont utiles pour nous permettre de croître plus vite ou encore de trouver plus d’efficacité opérationnelle sur nos métiers (la santé, la prévoyance et l’épargne retraite) et certains maillons de la chaine.
- Par ailleurs, il y a aussi les start up de services au service de l’assurance comme les foodtech, les healthtech, le online banking ou les regtech… Elles permettent d’apporter des solutions complémentaires sur leurs métiers à nos clients qui ont différentes conventions collectives ou de la prévention par exemple.
Concernant le second champ, nous coopérons avec de nombreuses insurtech sur l’ensemble de la chaîne de valeur pour simplifier la relation clients, le commercial, la souscription, l’actuariat, sur la data aussi, le réglementaire et enfin les paiements… Et ce, sur tous nous métiers à la fois en individuel et en collectives.
Je vais citer quelques exemples d’insurtech avec qui nous travaillons :
– Recital sur l’amélioration de la relation clients ;
– Fundvisory sur le « profiling » et le conseil en épargne retraite ;
– Mysofie en santé ;
– Fasst pour l’accompagnement de la souscription pour les branche professionnelles ;
– Upsideo sur le métier épargne retraite;
– Shift sur la fraude ;
– Neuroprofiler au niveau du marketing…
Ces coopérations ou certaines d’entre elles, sont-elles associées à un investissement ?
Nous avons 2 façons de faire au sein du groupe. Nous avons, d’une part un fonds dédié, ALM Innovation, avec celui-ci, nous investissons dans notre thèse d’investissement lorsqu’il y a un intérêt en terme de « business » et des cas d’usages identifiés. Et d’autre part, du Private Equity, où l’investissement est réalisé sans forcément de cas d’usage métier et sans rechercher prioritairement de « business » avec le groupe.
Si vous deviez en retenir une, laquelle ? Pouvez-vous expliquer pour quelles raisons vous avez décidé de travailler ensemble ?
Je vais en retenir 2, de tailles différentes :
- Recital sur la relation clients. La start up nous aide à travailler sur la cohérence de cette relation omnicanal (online, téléphone et réseau physique), c’est un outil d’amélioration du traitement des demandes et de façon transverse sur nos différents métiers.
- Fundvisory qui nous permet de mieux profiler nos clients et pour réaliser des préconisations avec un conseil très pertinent sur un métier spécifique, l’épargne.
Avec un peu de recul, quels sont les apports clés de cette insurtech pour votre société d’assurance ?
Alors les apports sont les mêmes, que ce soit pour Recital ou Fundvisory et d’une façon plus globale, c’est vrai pour la majorité des insurtech avec qui nous travaillons :
- elles apportent un rythme plus beaucoup plus rapide et avec une approche plus simple et décomplexée, sans s’enfermer dans nos structures.
- elles permettent un gain de temps (délais), de questionner nos différentes pratiques et solutions à la fois technologiques et métier, une forme de frugalité et d’efficacité, de réduire les coûts.
- enfin, nous voyons un effet culturel très fort, les équipes évoluent en effet avec ces coopérations et cela participe à leur acculturation et leur énergie d’innovation.
De façon plus globale, quelle est votre vision de l’apport des insurtech dans le secteur et la chaîne de valeur de l’assurance ?
Elles sont très utiles car elles permettent de changer réellement des éléments entiers de la chaîne de valeur assurance. Je crois beaucoup à leur apport clé sur la chaîne de valeur. Longtemps, j’ai plutôt focalisé sur les services qu’elles apportaient aux assureurs : fraude, assistance, profiling…
Et de plus en plus, je pense que leur apport est au moins aussi crucial sur l’efficience. C’est ce qui finalement, répond à notre urgence et notre focus, leur apport dans le « faire autrement ». Un « faire autrement », au départ, d’avantage orienté sur la gestion et de plus en plus sur la relation clients et la distribution. Il y a beaucoup d’insurtech sur ce maillon, elles nous apportent de l’efficience et de la créativité.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans vos différentes coopérations avec les insurtech ?
Elles ont, en quelques sorte, les revers de leurs forces : elles sont sans langue de bois, ont une volonté d’avancer vite et fonctionnent en test and learn.
Dans nos environnements, il y a un réel risque de « choc thermique » avec ces acteurs. Nous n’avons pas, avec les insurtech, le même tempo, ni la même vision des coûts, ni la même culture…
De fait, pour travailler avec elles, il faut au niveau des structures d’assurance, une sorte de traducteur. Il s’agit de quelqu’un coté assureur qui porte ces sujets vers les bons interlocuteurs et les suit de bout en bout.
3 principales difficultés rencontrées : le tempo, la vision des coûts, la culture
Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de vos différentes coopérations avec les insurtech ?
Forte de mes différentes expériences de coopération, il faut à mon sens 3 éléments clés :
- Quelqu’un en interne, coté assureur, qui porte pleinement le sujet.
- Sanctuariser impérativement un budget dédié, sinon c’est toujours celui des expérimentations ou de ces types de coopérations qui est coupé.
- Réaliser de la veille afin de regarder ce qui se passe, et toujours avoir un œil sur le monde, c’est crucial.
3 facteurs clés de réussite : un porteur interne du sujet, sanctuariser un budget dédié, ouvrir l’oeil sur le monde
Allez-vous développer et renforcer ce type de coopération dans les 2 années à venir ?
Oui, nous allons développer et renforcer ces coopérations. Nous allons vraiment accélérer compte tenu des chantiers nombreux et énormes à mener à la fois plus vite et de façon moins coûteuse. C’est un sujet majeur qui intéresse les équipes et aussi et les gouvernances. Nous allons travailler sur notre organisation en la matière pour aller plus loin et plus vite.
Quels seront, selon vous, les modèles de coopération de demain entre assureurs et insurtech ?
Il s’agit d’une vraie question et d’un point clé. Ce qui est clair est que nous ne pouvons pas continuer comme cela en termes de coopération entre assureurs, start up / insurtech. En revanche, il n’est pas simple de trouver la bonne façon de procéder. A date, nous avons souvent l’investissement financier, le partage de « l’asset » qui est le portefeuille clients et une utilisation des solutions. Il nous faut inventer autre chose et aller beaucoup plus loin.
Plusieurs pistes sont à creuser à mon sens :
- davantage coopérer pour réinventer la création de valeur commune à travers une collaboration plus forte, pour vraiment construire ensemble avec les insurtech.
- davantage hybrider nos modèles, nous avons beaucoup d’expertise et d’humain, les insurtech ont des technologies agiles, il faudrait travailler davantage ensemble et non chacun de son coté, notamment sur 2 points surprotégés à date, que sont la relation clients et l’actuariat.
- enfin, associer aussi les clients dans nos coopérations, et réaliser des travaux à 3 parties assureurs, clients, insurtech…
Interview menée mi-janvier 2021 par Nelly Brossard
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