Nous menons ces coopérations de façon ouverte, pour une efficacité opérationnelle ET éthique

#Assureurs & #Insurtech : rencontres avec ceux qui se transforment ! Echanges avec les dirigeants et dirigeantes d’assurance qui coopèrent avec les insurtech pour se transformer.

C’est parti pour 10 questions à Catherine Touvrey , Directrice Générale de Harmonie Mutuelle

Quels sont les points clés de votre parcours de dirigeante ?

J’ai découvert l’assurance par le monde mutualiste et vraiment hasard. Je suis entrée dans une Fédération de Mutuelles, j’y suis restée 3 ans pour y réaliser des opérations de restructuration, de fusions ou de développement de mutuelles. J’ai ensuite rejoint la Macif, pour y développer la culture mutuelle santé. J’y ai passé 20 années avec 2 grandes périodes : 10 ans en exerçant de nombreux métiers (la gestion, le marketing, l’IT…) et ensuite 10 ans en Direction Générale.

Depuis plus de 10 ans, ma conviction est que nous vivons une mutation forte dans l’assurance. Auparavant, les assureurs réussissaient avec des bons actuaires et des bons juristes, et désormais il est clé d’avoir de bons ingénieurs IT et de bons marketeurs ! J’ai pu explorer ces dimensions en collaborant avec de grands acteurs de la technologie et dans un réseau de « busines angel » – Femmes Business Angel – où j’ai  beaucoup appris. Une anecdote, le premier pitch de start-up, auquel j’ai assisté, j’ai compris ce qui était regardé : l’équipe et sa robustesse, sa vision, sa capacité à pivoter et l’existence d’un marché. Cela m’a aidé ensuite dans la dimension managériale et a conforté cette façon de réfléchir pour la gestion des projets et leur réussite.

Puis, c’est l’aventure Harmonie Mutuelle, ancrée sur les valeurs du mutualisme et avec en même temps une culture du développement et de pensée hors du cadre ! Depuis 6 ans, j’ai poursuivi son développement et mon projet managérial en allant chercher la diversité et la mobilisation des salariés et des partenaires. En 2016, j’ai demandé aux équipes de regarder les écosystèmes de start-up et les pôles de compétitivité locaux et de me faire des propositions. Elles ont trouvé de nombreuses pistes et cela a lancé une dynamique  très forte sur des sujets très variés (santé connectée, vieillissement…).

Quelles sont les différentes insurtech avec lesquelles vous travaillez ? Sur quels maillons dans la chaîne de valeur assurance ?

L’acteur le plus ancien et le plus significatif est Shift Technology. Nous avons d’ailleurs été les premiers à coopérer avec eux en santé dès 2016. Nous optimisons le S/P et le contrôle de la fraude, via les technologies de l’IA et du Big data et cela nous procure des gains significatifs sur la charge technique. Par ailleurs, nous avons un partenariat avec Utwin sur l’assurance emprunteur. Enfin, au niveau du groupe Vyv, nous travaillons avec + Simple et Assurone. Enfin, nous avons d’autres échanges en cours avec d’autres acteurs.

Ces coopérations ou certaines d’entre elles, sont-elles associées à un investissement ?

Les 2 sujets sont vraiment séparés, sauf exception pour un savoir-faire particulier comme notre investissement Vyv dans « Mes docteurs ». En effet, la plupart des start-up ont avant tout besoin de clients et de solutions qui fonctionnent, l’idée est de réaliser d’abord des cas d’usage avec elles… En parallèle, notre stratégie est d’investir via des fonds. Nous sommes dans plusieurs fonds avec une mécanique de travail tout au long du parcours de vie des start-up.

Si vous deviez en retenir une, laquelle ? Pouvez-vous expliquer pour quelles raisons vous avez décidé de travailler ensemble ?

Shift sans hésitation. Ils ont un réel savoir-faire et de très fortes compétences. Ils sont internationaux et ont accès à des bases multiples. Cela nous permet de mutualiser avec des tiers à la fois du temps de développement et un niveau d’investissement. C’est un peu comme le choix entre un logiciel et un  progiciel…

Avec un peu de recul, quels sont les apports clés de cette insurtech pour votre société d’assurance ?

Leurs apports clés sont leur savoir faire, leur intelligence, ils nous aident à apprendre plus de choses, plus vite et à moindre coût. Et ils apportent une efficacité économique avec des gains extrêmement significatifs.

De façon plus globale, quelle est votre vision de l’apport des insurtech dans le secteur et la chaîne de valeur de l’assurance ?

Si l’on regarde un compte d’exploitation d’assureur sur 20 ans, les S/P ne bougent pas vraiment, en revanche la composition des frais, elle, bouge fortement avec un  budget IT qui augmente. En fait, on peut le formuler comme une sorte de prélèvement sur la chaîne de valeur de l’assureur… Et donc un coût pour lui, mais il faut aussi regarder la plus-value : ce qui créé de la valeur pour le client… Oui les insurtech apportent des éléments nouveaux sur différents maillons de la chaîne de valeur…

Demain coté assureurs, nous pouvons soit devenir des sociétés d’IT avec des agréments d’assurance ou de banque, soit nous serons intermédiés et la relation clients sera entre les mains d’autres opérateurs, que ce soit des insurtech ou d’autres acteurs venant d’univers différents comme par exemple Doctolib… Certains assureurs en ont même déjà fait un « business model », comme Wakam, centré sur une partie de la chaîne de valeur et non sur la partie distribution, dans une logique de simplification et de commodité.

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans vos différentes coopérations avec les insurtech ?

Globalement nos coopérations se passent bien et je parlerai davantage de points d’attention :

  • Bien vérifier la création de valeur pour les clients et/ou sur un volet économique
  • Avoir un bon niveau de confiance avec les interlocuteurs
  • Enfin, le principal sujet est une vigilance sur l’interopérabilité et les standards d’interopérabilité (les API et la façon de les documenter)

3 principales difficultés rencontrées : vérifier la création de valeur, bon niveau de confiance, vigilance sur l’interopérabilité

Quels sont les 3 facteurs clés pour la réussite de vos différentes coopérations avec les insurtech ?

A mon sens, deux facteurs sont importants :

  • Etre structuré autour de la diversité dans tous les sens du terme et avoir la capacité à travailler avec des écosystèmes ouverts
  • S’adapter au niveau de son organisation, pour bien gérer les écarts de rythme.

2 facteurs clés de réussite : être structuré autour de la diversité, s’adapter en termes d’organisation

Allez-vous développer et renforcer ce type de coopération dans les 2 années à venir ?

Oui, nous allons approfondir ces coopérations en cours de déploiement. Et nous allons les compléter mais de façon extrêmement sélective et sur les sujets clés.

Quels seront, selon vous, les modèles de coopération de demain entre assureurs et insurtech ?

A mon sens, 2 enjeux forts conditionnent ces modèles de coopération pour demain. D’une part, comment nous trouvons de l’efficacité opérationnelle dans la combinaison entre la dimension éthique des technologies et la dimension éthique de la relation humaine. Et d’autre part,  la capacité à vraiment simplifier à la fois dans le fonctionnement et dans ce que le client utilise.

Je crois en des modèles  mixtes. Il s’agit d’être en pur investissement via des fonds et d’être engagé en tant qu’investisseur institutionnel dans l’accompagnement de la recherche. Et je crois en des modèles ouverts, poreux, avec une vraie logique de partage, de co-construction. Ce qui a de la valeur, c’est de capitaliser sur une construction à l’extérieur avec les écosystèmes…

 

Interview menée mi-janvier 2021 par Nelly Brossard

 

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