Proposer aux acteurs du marché de la bancassurance une plateforme d’outils de vente et de services en assurance de personnes
#Insurtech : rencontres avec ceux et celles qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
C’est parti pour 10 questions à Virgile Delporte, Co-fondateur et Président de Testamento
Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreneuriat pour vous ?
J’ai démarré ma carrière en France après la fin de mes études à Londres, dans une startup, Virtools, qui avait inventé un logiciel incroyable de création de jeux et applications 3D en no-code. C’était en 1999… Cela représentait une innovation forte. Puis, j’ai eu l’immense privilège de développer la filiale Nord Américaine de cette startup à Montréal de 2003 à 2006. Nous avons vendu cette startup à Dassault Systèmes, puis je suis resté encore quelques années pour participer à la construction d’une business unit, 3DVIA, qui œuvrait pour la gamification.
En 2010, j’ai été appelé par des amis entrepreneurs Belges qui cherchaient à développer une nouvelle start-up, SoftKinetic, spécialisée dans l’analyse d’image 3D. La technologie était incroyable une nouvelle fois, et j’ai accepté de rejoindre le conseil d’administration et de construire l’équipe commerciale et marketing de la société. Après 3 années et la signature de quelques partenariats majeurs, je me suis lancé dans l’aventure Testamento.
L’entrepreneuriat est une partie majeure de ma vie. J’encourage mon entourage à entreprendre, pas seulement pour créer des entreprises, mais plutôt pour prendre en main sa vie et aller de l’avant. Ancien lauréat du Réseau Entreprendre du Val de Marne (en 2014), j’en suis aussi aujourd’hui administrateur et vice-président, pour accompagner des entrepreneurs. Je coache également des entrepreneurs de l’incubateur de l’Institut Mines Telecom et ai animé la saison 1 de l’émission Startup & Go sur une nouvelle web TV, Place des Audacieux (PDATV).
Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?
Comme tous les entrepreneurs, j’observe le monde et identifie en permanence des choses qui ne fonctionnent pas bien. Certaines méritent qu’on s’y attarde, certaines moins, et très rares sont celles qui nous obsèdent. C’est souvent un signe qu’il y a vraiment quelque chose à faire.
En l’occurrence, à l’origine, je suis parti faire un trek en Amazonie avec ma femme sans nos deux enfants en bas âge, et je me suis dit avant de partir : que se passerait-il pour eux si nous ne revenions pas ? Nous avons décidé de rédiger un testament. A mon retour, j’ai compris en le présentant à un notaire qu’il n’avait aucune valeur, et cela a été le grand déclic pour inventer le testament en ligne en France.
Quelle est votre proposition de valeur ?
Aujourd’hui, notre proposition de valeur a bien changé depuis 2013 ! De 2013 à 2018, nous étions focalisés sur la vente B2C d’une plateforme d’anticipation successorale. C’était un projet excitant, les assureurs nous disaient qu’ils trouvaient notre proposition de valeur hyper intéressante, sans toutefois que nous trouvions l’angle pour lancer une collaboration.
En 2018, suite à de nombreuses discussions et notamment dans le cadre de notre accélération à Niort dans le programme French Assurtech, nous avons pris la décision de pivoter et de devenir éditeur de logiciels SaaS pour la bancassurance.
Notre proposition de valeur est de permettre à tous les acteurs qui interviennent sur le marché de l’assurance de personnes (assurance vie, prévoyance, retraite, santé), un marché de près de 180 milliards d’euros en France, de réinventer la distribution de leurs produits d’assurance.
Nous proposons en marque blanche une palette d’outils et de services : diagnostic personnalisé, aide à la vente et au multi-équipement, accompagnement à la désignation des bénéficiaires, services affinitaires…
Quelle est votre cible de clients (BtoC, BtoB, BtoBtoC) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?
Nous avons un modèle principalement BtoB, avec une très forte orientation client. Nous travaillons déjà avec une quinzaine d’assureurs, mutuelles, courtiers et banques de tout premier plan en marque blanche essentiellement.
Nous prévoyons de tripler le nombre de clients sous 3 ans, et aussi d’accompagner ces grands comptes en dehors de nos frontières, notamment en Europe.
Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ? A quelle date serez-vous à l’équilibre ?
Au démarrage de 2013 à 2018, nous étions sur un modèle freemium totalement B to C, avec un service offert, le Kit Info Succession, puis un paiement de chaque service à l’acte par le client (inventaire, testament, volontés, coffre fort électronique…).
Nous avons pivoté en 2018 vers notre modèle actuel. Aujourd’hui, notre business model est classique pour un éditeur de logiciels SaaS : nous vendons sous forme de licence un droit d’accès à la technologie, puis nous facturons un coût à l’usage ou selon le nombre de collaborateurs équipés. Ce business model s’est affiné ces dernières années pour accélérer les cycles de vente, avec des services d’accompagnement à forte valeur ajoutée : pré-cadrage des projets, souvent en collaboration avec des cabinets de conseil, paramétrages avancés, accompagnement par nos équipes du déploiement sur le terrain et au travers de la formation des formateurs.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Testamento ?
Il y a en a eu bien plus de 3 ! Les difficultés sont quotidiennes dans une startup, même si on donne souvent l’impression que tout va bien. C’est notre faute d’ailleurs 😉
En premier lieu, je dirai que la plus grande difficulté a été de réaliser notre 2ème levée de fonds, en janvier 2019, pour valider le pivot BtoB. Nous n’avions quasiment aucune référence en BtoB à l’époque, même si les indications du marché étaient nombreuses pour confirmer que nous étions dans la bonne direction. Difficile de lever des capitaux sur uniquement un business plan et des perspectives de devenir un jour une licorne.
La deuxième difficulté est spécifique à la vente auprès de grands comptes, en particulier dans le domaine de l’assurance. Les cycles de vente peuvent être très longs, surtout si on n’a pas mis en place une bonne stratégie commerciale. Cela va beaucoup mieux depuis 2021, période à laquelle nous avons apporté des changements essentiels à notre méthode commerciale.
La troisième difficulté est probablement liée au recrutement de talents. Même si nous disposons d’une bonne marque employeur et que nous traitons bien nos équipes (notamment en les associant via des BSPCE), recruter reste un challenge important pour nous.
3 difficultés principales rencontrées : réaliser la seconde levée de fonds, la vente auprès des grands comptes, le recrutement de talents
Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Testamento ?
L’écoute est indispensable. Personnellement, je ne connaissais pas le secteur de la banque assurance avant de créer Testamento. Il fallait s’acculturer, beaucoup écouter et se montrer curieux pour identifier les irritants et les solutions possibles pour les adresser.
Ensuite, je pense que l’une de nos forces est de transformer des contraintes en opportunités. Nos clients doivent innover rapidement, pour répondre aux exigences de leurs propres clients et aux enjeux réglementaires. Nous avons justement des solutions et méthodologies éprouvées pour eux !
Enfin le 3ème facteur clé est de savoir bien s’entourer. J’ai bénéficié, dans le cadre de l’accompagnement de l’incubateur IMT Starter, d’un comité stratégique d’experts dès la création en 2013, puis d’un coaching par le Réseau Entreprendre. Fin 2017, j’ai constitué un comité stratégique avec des experts de l’assurance, puis un conseil d’administration depuis 2019. L’apport a été déterminant, associé aux recrutements bien sûr.
3 facteurs clés de réussite : l’écoute, transformer les contraintes en opportunités, savoir bien s’entourer.
Et si c’était à refaire ?
Avec le recul, c’est probablement plus facile de refaire le match. On pourrait se dire qu’il aurait fallu plus rapidement pivoter vers le BtoB… Mais dans les faits, rien ne vient par hasard. Aujourd’hui, Testamento est une marque forte grâce à une énorme médiatisation des premières années : nous avons participé à des dizaines d’interviews sur les grandes chaînes de télévision et de radio. Et l’expérience directe des clients en BtoC que nous avons acquise lors des premières années est une vraie force pour mieux comprendre les attentes des clients finaux lorsque l’on travaille avec nos partenaires BtoB ! Je suis donc fier du parcours accompli jusqu’à présent, avec une équipe incroyable et de super produits !
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et le rôle de l’insurtech ?
Le marché de l’assurance est en pleine transformation. Je pense que nous sommes à un point de bascule car les grands groupes peinent encore un peu à innover, et les startups non profitables ont beaucoup plus de mal à se financer désormais. L’écosystème doit se réorganiser puisque les règles ont changé, peut-être vers davantage de collaboration plutôt qu’une concurrence frontale.
Par ailleurs, l’insurtech a un rôle majeur à jouer dans les prochaines années. Simplement une nouvelle exigence s’impose : des modèles économiques pérennes et une rentabilité rapidement atteignable.
Autrement, les startups risquent de disparaître ou d’être absorbées par les acteurs installés qui sauront se montrer très opportunistes.
Quelles sont les sociétés insurtech ou autres start up qui sont vos modèles (les 2 ou 3 clés) en France ou dans le monde ?
Beaucoup de start-up m’impressionnent. Notamment lorsqu’elles passent à l’échelle très rapidement.
Je pense à Alan dans l’assurance en France, qui a sérieusement bousculé les lignes dans un marché très compliqué et concurrentiel. Contrairement à ce que certains disent encore, ils n’ont pas seulement ajouté une belle UX sur un produit d’assurance peu sexy : ils ont traité tous les irritants et ont rendu l’interaction plaisante, tout en misant sur un socle de services additionnels.
Sur un plan plus international mais toujours sur des startup françaises, je suis vraiment bluffé par la rapide expansion internationale de scale ups comme Shift Technology ou Descartes Underwriting.
Et en bonus…
Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Testamento ?
Je ne sais pas si c’est amusant, mais c’est une belle expérience de 2022 : nous avons organisé un hackathon interne, avec 36 heures non stop de travail. Cela a été une formidable expérience de team building et j’ai d’ailleurs raconté l’histoire ici : https://www.linkedin.com/pulse/hackathon-dans-une-startup-bonne-ou-mauvaise-id%25C3%25A9e-virgile-delporte/
Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?
A l’origine, je voulais un nom “fun” associé à un mot lourd de sens et un peu fantasmé. Nous avons au final réussi cela en ajoutant un “o” au mot “testament”, qui donne une consonance internationale. Aujourd’hui, ce nom peut paraître réducteur au vu de l’élargissement de notre activité qui va bien au-delà du testament en ligne, mais c’est une marque qui bénéficie d’une belle cote d’amour !
Interview menée début janvier 2023 par Nelly Brossard
#insurtech #startups #assurtech #transfonum #assurance #banques #assureurs #vie #prévoyance #retraite #santé