Proposer une Marketplace pour fluidifier, automatiser et optimiser le placement des risques de réassurance

#Insurtech : rencontres avec ceux qui réinventent l’assurance ! Echanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

C’est parti pour 10 questions à Victor Moreau co-fondateur de Bifröst

Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreunariat pour vous ?

J’ai 32 ans, et j’ai eu une première partie de parcours assez classique. À la suite de mon école d’ingénieur, j’ai rejoint le cabinet de conseil en stratégie Oliver Wyman, où j’ai travaillé pendant 6 ans dans la practice Financial Services, ce qui m’a permis de travailler pour des grandes banques et des grands assureurs un peu partout en Europe.

Cette expérience m’a donné une structure de travail qui m’est extrêmement utile aujourd’hui, mais j’ai toujours su que je voulais à terme monter ma propre entreprise. J’ai donc rejoint après le conseil une start-up dans l’intérim, Iziwork, puis j’ai intégré l’incubateur Entrepreneur First pour lancer Bifröst.

Pour moi l’entrepreunariat, c’est un réel gage de liberté et la concrétisation de l’envie de créer à partir d’une page blanche.

Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?

Notre projet est né au sein d’Entrepreneur First où nous nous sommes rencontrés, avec mon associé et CTO Tristan Garrec. Il sortait d’un postdoctorat en « market design » et Machine Learning à l’ENS, nous avons commencé à travailler sur plusieurs projets en parallèle, notamment autour des paiements et de la réassurance.

La réassurance est une industrie extrêmement intéressante, elle joue un rôle primordial dans le marché de l’assurance, et pour autant elle reste très peu connue en dehors de ce milieu. Elle a au final bénéficié de très peu d’innovation durant les dernières décennies, notamment si on la compare aux autres secteurs des services financiers. Nous avons donc passé beaucoup de temps avec Tristan à interroger des acteurs de ce marché (assureurs, réassureurs et courtiers), et rapidement identifié comme sujet, les transactions en réassurance et le transfert de risques qui en résulte. Ce processus est long, coûteux et a un gros potentiel d’optimisation.

Nous avons donc décidé de nous attaquer à ce problème, et surtout de le résoudre notamment grâce aux compétences en « market design » de Tristan, afin de pouvoir faciliter et optimiser le processus de transactions en réassurance.

Notre objectif est de créer une marketplace de risques de réassurance. Elle permet aux assureurs de poster leurs risques sur notre plateforme, et aux réassureurs de se positionner sur ces risques.

La complexité d’une telle solution repose sur le fait d’intégrer toutes les contraintes et spécificités du marché de la réassurance sur une plateforme digitale.

Quelle est votre proposition de valeur?

Nous aidons les assureurs et les réassureurs à effectuer leurs placements de réassurance de façon plus efficaces, avec une proposition de valeur structurée autour de trois axes principaux :

  • Optimisation de la syndication du risque : définition du prix du contrat ainsi que de l’allocation du risque entre les réassureurs
  • Réduction de la durée des transactions (divisés par 5) et des frais associés
  • Automatisation et digitalisation des processus liés à la réassurance.

Quelle est votre  cible de clients (B to C, B to B, B to B to C) ? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?

Nous sommes une startup exclusivement B to B, nos clients sont les assureurs et les réassureurs. Dans le modèle de la réassurance ce sont les assureurs qui paient les frais liés aux transactions, ce sont donc eux nos clients finaux. Comme toute marketplace nous avons besoin des deux parties prenantes, nous devons donc également cibler les réassureurs et les intégrer à  notre solution.

D’ici 3 ans, nous visons d’avoir une vingtaine de clients grand comptes côté assureurs, et entre 120 et 150 réassureurs sur notre plateforme. Aujourd’hui, nous avons déjà un assureur qui nous accompagne  et une vingtaine de réassureurs partenaires.

Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ?

Nous aidons les assureurs et réassureurs à effectuer leurs transactions, notre « business model » est donc proche de celui d’un courtier : nous nous rémunérons grâce à des commissions sur les transactions effectuées, avec pour objectif d’être 3 à 5 fois moins cher que les courtiers de réassurance traditionnels.

Nous souhaitons également fournir une offre aux courtiers en réassurance pour qu’ils puissent utiliser notre solution pour servir leurs clients (et ainsi garder la relation commerciale de leur côté). Cette offre est en cours de construction et le « business model » n’est pas encore arrêté pour cette dernière.

A quelle date serez-vous à l’équilibre ?

La première version de notre plate-forme sera disponible en juillet. Nous avons besoin de financer la R&D liée à notre projet ainsi que le développement de notre plateforme jusque fin 2022 au moins, nous visons donc d’être à l’équilibre à partir de 2023.

Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance ?

Je pense que le secteur de l’assurance a bénéficié, et continue de bénéficier, de beaucoup d’innovations au cours des dernières années, à la fois du côté B to  C avec des succès comme Luko, mais également côté B to B avec par exemple des startups comme Alan, Shift Technology ou Tractable plus récemment (qui a fait Entrepreneur First comme nous).

En revanche, le secteur de la réassurance n’a lui pas encore été réellement impacté et n’a pas pu bénéficier de telles innovations et améliorations, il représente donc une réelle opportunité.

Et je suis convaincu, notamment suite à toutes les discussions que nous avons eu au cours des derniers mois avec les experts de ce marché, qu’il est prêt à évoluer et aspire à plus d’efficacité, de transparence et d’innovations technologiques.

Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Bifröst ?

La première difficulté que nous avons rencontrée est l’inertie du secteur que nous adressons. Nous avons souvent entendu comme argument de la part de prospects « nous bossons de la même façon depuis 30 ans, et cela fonctionne ». Nous avons un vrai enjeu de conduite du changement pour certains acteurs (pas tous heureusement) afin de pouvoir démontrer que nous apportons plus d’efficacité au marché et de la valeur sans pour autant complètement dénaturer la façon dont ils travaillent actuellement.

Le deuxième enjeu a été un enjeu de crédibilité. J’ai 32 ans et mon co-fondateur a 28 ans, nous parlons souvent à des interlocuteurs qui travaillent dans cette industrie depuis 10, 20 ou 30 ans, et nous devons travailler deux fois plus dur pour démontrer que nous connaissons notre sujet.

Enfin, la troisième difficulté est le manque de connaissance de ce marché qui est très fermé pour les personnes externes à ce dernier, comme les fonds d’investissement par exemple. Nous devons être très didactiques.

3 difficultés principales rencontrées : l’inertie du secteur, la crédibilité, manque de connaissance de ce marché

Quels sont selon vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Bifröst ?

Le premier facteur clé de notre succès est la « qualité technologique » de notre solution : le placement de risques en réassurance est très complexe, il est donc difficile de l’automatiser et de l’optimiser en prenant en compte toutes les contraintes de la réassurance. Le résultat que nous allons proposer doit-être meilleur que ce qui est fait par les négociations de personnes à personnes, et c’est ce sur quoi nous nous concentrons actuellement.

Le deuxième facteur clé de succès est d’avoir de nombreux assureurs qui nous suivent et adoptent notre solution pour effectuer des transactions sur notre plateforme.

Enfin, le troisième facteur est d’avoir assez de « liquidité » sur la marketplace côté réassureurs, afin de pouvoir effectuer les meilleurs placements possibles.

3 facteurs clés de réussite : la qualité technologique de la solution, l’adoption par les assureurs, avoir assez de liquidité sur la marketplace

Et si c’était à refaire ?

Je le referai sans hésitation !

 

Et en bonus…

Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Bifröst ?

Lors de nos recherches initiales avant de nous lancer dans la réassurance, nous avions également analysé des idées de start-up dans les paiements, et également dans la mobilité où nous souhaitions faire du pricing dynamique pour les places de stationnement en voirie, afin de mieux lier l’offre et la demande. Après plusieurs discussions avec des interlocuteurs de différentes grandes mairies françaises, nous avons vite compris que politiquement cela serait très compliqué à mettre en place et avons donc écarté cette idée…

Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?

Nous sommes un pont entre les assureurs et les réassureurs, dans la mythologie nordique le Bifröst est un pont entre le ciel et la terre, mon co-fondateur Tristan a donc proposé de nous appeler Bifröst, et nous avons régulièrement cette question en réunion avec des clients et prospects !

 

Interview menée fin juin 2021 par Nelly Brossard

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