Une expérience et des services au-delà de l’assurance vélo
#Insurtech : Rencontres Insurtech 2024. Une nouvelle saison d’échanges avec les fondateurs et fondatrices d’Insurtech ! Des acteurs qui réinventent et transforment l’assurance sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
C’est parti pour 11 questions à Alexandre Molla CEO et fondateur de Sharelock
Quels sont les points clés de votre parcours et que représente l’entrepreneuriat pour vous ?
J’ai un parcours plutôt classique puisque j’ai fait une école de commerce, avant de commencer ma carrière en 2008, au cœur de la crise financière, en rejoignant une grande banque d’investissement à Londres, dans leur département fusions & acquisitions. J’ai ensuite poursuivi cette voie, cette fois dans une plus petite boutique, me permettant une exposition client plus forte, et dans une autre région, puisque basé à Ryiad, en Arabie Saoudite.
A la suite de ces expériences en banque d’affaires, j’ai ressenti un vif besoin de travailler côté opérations. J’ai eu la chance de revenir en France pour rejoindre Uber, et faire partie de leurs 200 premiers employés dans le monde, la plupart étant d’ailleurs basés aux US à cette époque. Cette expérience constitue un réel tournant professionnel, et rassemble aussi les fondements de Sharelock. En effet, dans le cadre de mon rôle de General Manager au sein d’Uber, j’ai d’abord été exposé à l’hypercroissance et ses défis, en voyant la société passer de quelques villes ouvertes et 200 employés, à plusieurs milliers de villes et plus de 25 000 employés, jusqu’à lPO en 2019. Cette expérience m’a également permis de développer une compréhension fine de la mobilité urbaine, en étant, au cœur d’une évolution fulgurante, qui a vu apparaître les services à la demande, grâce à l’introduction notamment de la géolocalisation. C’est dans le cadre de mes fonctions que j’ai rencontré Nicolas Louvet, spécialiste reconnu de la mobilité, conseil d’Uber; nous avons travaillé ensemble pendant 5 ans sur 5 études d’impact majeures, afin de comprendre l’impact d’Uber dans les villes, notamment en France et en Suisse.
Je ne me suis jamais senti entrepreneur, comme en témoigne mon début de carrière relativement classique. En revanche, mon expérience au sein d’Uber, avec une culture très forte de la responsabilisation, a déclenché une réelle prise de conscience que “construire” était au cœur des missions dans lesquelles je me réalisais particulièrement. Plus tard en 2014, lorsque Nicolas, rencontré chez Uber, m’a proposé de créer Sharelock avec lui, ce fut l’opportunité à saisir pour parachever mon chemin vers l’entrepreneuriat !
Comment est né votre projet, comment l’idée est-elle venue ?
Sharelock est né d’un double constat. En premier lieu, il est aujourd’hui communément admis que le vélo change de paradigme, en passant du simple loisir – un vélo relativement peu onéreux, utilisé de temps en temps le week-end par exemple – au vélo mode de transport quotidien – le fameux vélotaf. En second lieu, il nous est apparu que la peur du vol était le premier obstacle à l’usage du vélo. En effet, il suffit d’un doute sur la sécurité du stationnement d’un de mes trajets pendant la journée pour que je laisse mon vélo chez moi le matin et opte pour une alternative, me privant ainsi de plusieurs trajets vélos dans la journée. Chaque année ce sont plus de 400 000 vols de vélos qui sont enregistrés, rien qu’en France, soit 1 par minute. Et sur ces 400 000 victimes, un quart décident simplement d’arrêter le vélo, soit une perte de 100 000 cyclistes chaque année, alors même que les pouvoirs publics déploient des efforts intenses pour promouvoir les mobilités douces.
Quelle est votre proposition de valeur ?
Nous avons d’abord développé en 2020, le premier cadenas de vélo partagé au monde, une solution hardware que nous avons inventée, produite à grande échelle, déployée, opérée, et même brevetée. Nous avons rapidement pivoté à partir de 2022 pour proposer la première assurance entièrement dédiée au vélo.
Via notre application, nous déployons une expérience utilisateur optimisée et allant bien au-delà de la seule assurance, Nous apportons toujours plus de sérénité au cycliste, au quotidien. Avec une approche entièrement digitale, il s’agit de fluidifier tous les actes de la vie du contrat, de la souscription à la déclaration de sinistre ou au remboursement.
Nous proposons des fonctionnalités utiles au quotidien, comme Vigimap, qui permet de visualiser le risque au niveau de la rue dans laquelle vous vous garez, ou encore la prise de photo, qui permet de 2020 diviser sa franchise par 2 en cas de sinistre, et aussi d’être rassuré sur le fait que le vélo est bien accroché, puisque nous faisons l’analyse en direct. Ces fonctionnalités et “ nudges” de notre application, encouragent les bons comportements.
Notre application est largement utilisée, avec près de 30 % d’utilisateurs actifs chaque mois, une prouesse quand on sait qu’en assurance, on parle à son assureur à la signature du contrat, et en cas de sinistre… autant dire jamais !
Cette relation forte, facilitée par nos outils digitaux, permet de créer une confiance inédite entre l’assuré et Sharelock.Et ces données nous permettent d’optimiser nos opérations – par exemple en automatisant en partie la gestion de sinistre, la lutte anti-fraude… – et surtout de comprendre comme aucun autre acteur du marché le risque vélo. Ce nouveau segment d’assurance est encore largement inexploité.
Quelle est votre cible de clients (BtoC, BtoB, BtoBtoC)? Combien visez-vous de clients d’ici 3 ans ?
Notre produit original, premier réseau de cadenas au monde, lancé en 202, a bien fonctionné et nous a donné une certaine notoriété, doublée d’une vraie légitimité sur les sujets de mobilité et de sécurité, le Nous avons d’abord bâti une réelle traction en Direct to Consumer.
Rapidement, nous avons été sollicités par une grande variété d’acteurs BtoB. Nous avons alors développé des produits d’assurance dédiés, ainsi qu’une série d’outils technologiques destinés spécifiquement à ces partenaires, comme des interfaces permettant de gérer des flottes entières de vélos assurés, des API permettant une intégration dans les parcours de vente, ou encore des plug-ins pour les e-commerçants. Nous travaillons aujourd’hui avec une grande variété d’acteurs, de la PME proposant des vélos en libre service à ses employés, aux loueurs courte durée comme longue durée, ou encore les méga-flottes para-publiques, opérées par les opérateurs de mobilité traditionnelle, à l’instar de Véligo, la plus grande flotte de VAE (Vélo à Assistance Eléctrique) en location longue durée en Europe.
En deux ans et demi, ce sont déjà plus de 25 000 polices qui ont été souscrites, et nous sommes confiants quant à notre capacité à dépasser les 100 000 polices souscrites dans les 3 prochaines années.
Comment travaillez-vous avec l’ensemble de l’écosystème et avec quelle (s) grande(s) famille(s) (assureurs / mutuelles / assisteurs… autres) aujourd’hui ?
Sharelock est un courtier agréé à l’ORIAS. Nos premiers partenaires dans l’écosystème sont les porteurs de risque qui nous accompagnent dans la co-construction des produits. Nous travaillons également avec d’autres courtiers distributeurs ou réseaux d’agents distributeurs,
Nous nous positionnons, forts de notre expertise de la mobilité et de nos données massives et inédites, comme le premier acteur à maîtriser parfaitement ce nouveau segment d’assurance. Et ce, des canaux et coûts d’acquisition, aux habitudes et pratiques des assurés, jusqu’à la compréhension fine de ce nouveau risque et des produits à développer. Une expertise largement reconnue et appréciée par nos partenaires porteurs de risques, à l’instar de Chubb et Carma notamment.
Quel est votre « business model » ? Avez-vous fait évoluer celui-ci ? A quelle date serez-vous à l’équilibre ?
A ce jour, nous sommes courtier et notre rémunération vient directement de notre capacité à distribuer des produits co-construits avec nos partenaires porteurs de risque à travers une commission.
Nous commençons à avoir d’autres formes de revenus à travers de l’affiliation.
Nous visons d’atteindre l’équilibre d’ici fin 2024.
Quelles sont les 3 principales difficultés rencontrées dans votre vie d’entrepreneur au sein de Sharelock ?
La première difficulté est le recrutement. Il ne faut surtout pas baisser la garde, rester exigeant même dans les périodes de marché compétitives. Par ailleurs, c’est assez difficile de convaincre quand on démarre une start-up.
La seconde a été notre financement au lancement du projet hardware, qui n’était pas très tendance à ce moment. D’ailleurs, l’investisseur que nous avons convaincu avait vu l’opportunité sur l’assurance vélo.
La dernière est de rester très à l’écoute de l’évolution de l’économie et des marchés de financement, qui est un environnement très mouvant. Et l’accélération de notre pivot vers l’assurance est aussi le résultat d’un changement radical de l’environnement de financement, en raison notamment de la remontée des taux directeurs.
3 difficultés rencontrées : recruter, le financement pour le projet hardware, rester à l’écoute de l’évolution de l’économie et des marché de financement.
Quels sont pour vous les 3 facteurs clés pour la réussite de Sharelock ?
Le premier pilier permettant de voir loin et grand est la solidité financière. Cela passe par une réelle discipline, au quotidien, profondément ancrée dans notre culture d’entreprise. Et se décline également dans notre volonté très claire de construire et distribuer des produits d’assurance au bon prix, avec des ratios sains, là encore gage de longévité pour notre activité.
Parler d’hyper croissance et de solidité financière, sans parler d’efficience opérationnelle serait une hérésie, tant l’optimisation permanente, notamment grâce à la processisation à outrance, et à l’innovation permanente, est la base du “scaling”. C’est le second facteur clé. Ainsi, être capable d’absorber toujours plus de polices, d’utilisateurs, de gérer toujours plus de sinistres, avec des ressources relativement stables, est un défi auquel nous nous attelons au quotidien, et auquel la technologie apporte des réponses concrètes, à l’impact direct.
L’équipe, et son corollaire notre culture d’entreprise sont certainement le troisième pilier, et le plus important. Ayant eu la chance de passer de nombreuses années au sein d’une startup à la culture d’entreprise très forte, j’ai tout de suite mis la culture au cœur de la construction de Sharelock et de son équipe. Elle se construit au quotidien, d’abord par l’exemple des leaders et des managers, et aussi dans le recrutement et les promotions.
3 facteurs clés de réussite : la solidité financière, l’efficience opérationnelle, l’équipe et la culture d’entreprise
Et si c’était à refaire ?
Après déjà 4 ans, la gestion du stress reste un défi au quotidien pour moi, et je pense n’avoir vraiment commencé à mieux l’appréhender qu’il y a quelques mois. Si c’était à refaire, je garderais en tête qu’en tant que fondateur, on doit certes avoir à l’esprit “tout ce qui peut mal se passer”, mais qu’il faut trouver un équilibre avec un enthousiasme à toute épreuve, pour inspirer l’équipe et les partenaires au quotidien. Ce qui est fantastique, c’est que quand on regarde derrière nous, on peut facilement identifier une multitude de belles surprises, que nous n’aurions pu anticiper, cela permet de prendre de la distance face à tous les risques à venir !
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et le rôle de l’insurtech ?
Il y a eu ces dernières années de grandes promesses dans l’assurance, notamment sur la digitalisation et la donnée. Finalement, peu d’acteurs ont vraiment apporté des solutions innovantes permettant d’optimiser réellement l’expérience utilisateur et d’augmenter significativement la maîtrise des risques assurés.
Aujourd’hui, une partie des insurtechs vont adresser plus spécifiquement ces sujets en apportant des réponses techniques destinées aux professionnels de l’assurance. La création de valeur est très claire sur les solutions techniques qui permettent aux acteurs traditionnels d’optimiser leurs opérations (anti fraude, sinistres, flux financiers …).
Là où les insurtechs ont aussi une vraie carte à jouer, c’est sur les nouveaux risques ou les risques qui sont plus forts aujourd’hui (climatiques, cyber, vélo et mobilités, nouveaux modes de consommation…), car elles permettent d’avoir rapidement des données à la disposition des acteurs traditionnels, d’apprendre et d’itérer. C’est clé pour les acteurs traditionnels et gagnant – gagnant.
Quelles sociétés sont vos modèles (insurtech ou autres start-up, les 2 ou 3 clés) en France ou dans le monde ?
Uber, https://www.linkedin.com/company/uber-com/, sans hésitation, reste pour moi un modèle d’exécution opérationnelle, et aussi d’exigence au quotidien, dans tous les domaines, et ce, grâce à une culture d’entreprise qui pendant longtemps a été “drivée” par un fondateur exceptionnel.
Et en bonus…
Racontez-moi une anecdote amusante en lien avec Sharelock ?
Un vieil oncle de mon co-fondateur Nicolas, qui ne savait pas qu’il était co-fondateur de Sharelock lui raconte qu’il venait de prendre une assurance pour son vélo. Il lui répond alors qu’il aurait dû prendre Sharelock. Il lui répond : “pas besoin j’ai déjà trouvé la meilleure et la plus innovante : ça s’appelle Sharelock”.
Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre insurtech ?
Comme évoqué plus haut, à l’origine était le cadenas partagé… D’où le jeu de mot évident avec le célèbre et fin limier anglais !
Interview menée en septembre 2024 par Nelly Brossard
Retrouver cette interview en video sur Youtube :
et l’extrait sur la proposition de valeur
Une série d’interviews réalisée en partenariat avec MACIF et ITESOFT
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