Innover sur des marchés en voie d’ubérisation

Contribution au livre blanc « Accompagner l’innovation agile » piloté par François Laurent et réalisé avec Adwise  – publié le 21 janvier 2019

 

1 – Comment aujourd’hui les entreprises redéveloppent leurs stratégies en matière d’innovation ?

L’innovation est vitale pour les entreprises.

Sur des marchés disruptés, ubérisés, incertains, concurrentiels, imprévisibles, développer et posséder une capacité d’innovation très solide et pérenne est indispensable et vital.

Cette innovation est nécessaire pour pouvoir s’adapter en permanence, anticiper les actions des concurrents, créer davantage de valeur, se développer, entretenir une dynamique de croissance, se réinventer et surtout survivre…
Elle est au cœur des préoccupations de chaque entreprise et de sa stratégie, et incontournable, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activité. Chaque entreprise doit réellement appréhender ce défi, mais comment ?

Comment développer et mettre en œuvre cette stratégie ?
L’entreprise doit définir sa vision et sa stratégie en termes d’innovation, et la partager pour donner du sens.
Au regard de cette stratégie, il est clé de définir et mettre en œuvre une démarche cohérente, structurée et coordonnée au niveau de toute l’entreprise. Celle-ci doit être pleinement en phase avec les valeurs, la culture et les objectifs stratégiques. Avoir cette approche mature et structurée permet d’aligner toutes les forces innovantes de l’entreprise et de son écosystème.
Il n’existe pas de démarche unique, type et universelle.
Pour ce processus, il est nécessaire de bien choisir les domaines de collaboration avec les partenaires, de définir sur quelles activités partager la propriété et/ou le droit d’exploitation d’une innovation à venir…

Ce processus d’innovation vertueux et structuré s’accompagne de méthodes et d’une large palette d’outils (pour explorer, exploiter les connaissances et mutualiser les savoirs) disponibles et accessibles à tout moment. Cela permet de capitaliser sur les expertises et compétences et par une fertilisation croisée de générer et de faire naître des innovations.
Ce processus, ces outils et méthodes sont nécessaires afin que chacun, dans l’entreprise partage le même socle (langage, outils), et que l’on puisse identifier les meilleures pratiques.
Pour mettre en œuvre ce processus, l’entreprise doit créer les conditions favorables et pérennes et s’appuyer à la fois sur son savoir-faire interne et sur de l’apport extérieur tout en les faisant collaborer. Cela se réalise à travers l’appel à des talents externes (sociologues, ethnologues, designers…), l’acquisition de talents externes et avec l’ensemble de l’écosystème et de ses parties prenantes (partenaires, fournisseurs, clients, start up ….)… Il est important de se nourrir des autres, d’être en contact pour partager des idées et approches différentes, de confronter des points de vue, de pratiquer l’open innovation.

La diversité et la multiplicité des perspectives constituent de réels facteurs d’innovation. La capacité d’innovation est directement liée à cette diversité et cette mixité.

Parmi ces conditions, il est nécessaire de cultiver la bienveillance, l’écoute, le respect et le plaisir à travailler ensemble. Cela créé un climat beaucoup plus fertile et vertueux. Il s’agit de promouvoir une culture de tolérance à l’échec. Enfin, il est clé aussi de simplifier. Et raccourcir les circuits de décision.Chaque jour il est important de maintenir et de pérenniser l’envie d’innover et cette culture.

En effet, ce développement d’une culture d’innovation à l’échelle d’une entreprise n’est pas simple. L’innovation ne trouve pas toujours sa place, car elle est en réelle rupture avec les habitudes ancrées de beaucoup d’entreprises et la transformation de la culture demande du temps. Souvent lorsqu’on met en place ces méthodes, les initiatives foisonnent à tous les niveaux de l’entreprise, il est difficile de prioriser, et cela finit parfois par décourager. Cela montre l’importance de la réelle vision stratégique, de son partage et de la structuration de ce process, en encourageant et créant les conditions de cette fertilisation et adaptation permanente.

2 – Quelle part accorder à la connaissance du consommateur et aux insights dans la mise en œuvre d’une politique construite d’innovation ?

La connaissance des consommateurs et les insights sont au cœur du processus pour construire l’innovation. Anticiper les attentes, placer le consommateur au centre de sa stratégie d’innovation, intégrer le client dans le processus de développement de nouveaux produits, services, ou interfaces est crucial. Et cela très en amont (lors de la réflexion et de la recherche utilisateur) et dans toutes les phases de conception, et ensuite en production. Il s’agit d’écouter, observer, de se confronter à la réalité des exigences des utilisateurs, de mieux comprendre et connaître leurs besoins, attentes et usages et de les anticiper. Et ce, dans une logique de co-construction, de co-création et d’amélioration continue. Le consommateur est une ressource pour la co-création de l’innovation et ses différentes phases de développement. L’insight consommateur reflète une réalité client et décrit une expérience le plus souvent en lien avec un usage.

Il est important de mettre en œuvre les conditions pour disposer en permanence d’une connaissance des consommateurs. Il s’agit de faire appel à différentes techniques génératrices: ateliers créatifs et workshops, utilisation de communautés de consommateurs on ligne (…) pour faciliter la co-création et à différentes compétences et experts (sociologues, ethnologues, sémioticiens, psychologues. ….).
La co-construction avec ces profils multidisciplinaires, l’immersion sur le terrain mettent les différentes équipes en contact avec les clients, la création de prototypes permet de faire ressentir à chacun le vécu du client sur un produit, un service, un parcours… L’écoute permanente permet d’ajuster les fonctionnalités au fil des retours utilisateurs…

La capacité à intégrer cette culture client au sein de chacune des fonctions de l’entreprise conditionne sa capacité d’adaptation permanente aux nouvelles attentes du marché et aux nouveaux usages et à leurs évolutions.

Ce qui change c’est que le client doit être vraiment au cœur de toute l’entreprise et non juste au niveau des fonctions en relation avec les clients ou de celles qui créent les produits et/ou services…. Chaque fonction de l’entreprise possède sa part de la connaissance clients (conseillers, vendeurs, gestionnaires, marketing, actuaires,..) et le défi est bien de partager cela. La culture centrée client devient une démarche globale, collaborative, avec des méthodologies et des objectifs très opérationnels et la réalité du client nourrit au quotidien chacun des acteurs de l’entreprise.

Mais ce n’est pas un élément suffisant en soi
Si la connaissance du consommateur et les insights sont des éléments indispensables au cœur de l’innovation, ils s’intègrent dans une vision stratégique et dans un processus avec une méthode et des outils (cf supra et infra).

Ce processus est basé sur l’information, le savoir, la connaissance, le partage, la fertilisation, l’expérimentation, avec le client au cœur, permet à une entreprise d’innover de façon efficiente et aussi à chacun de s’épanouir.

3 – Du point de vue des organisations, qui est leader, et a-t-on encore besoin d’une Direction de l’innovation ?

Ma conviction est que l’innovation doit être l’affaire de tous et imprégnée dans la culture de chaque entreprise.

Il est important de pratiquer et de montrer l’exemple, à tous les niveaux, et de bien former chacun. L’innovation est avant tout un état d’esprit diffusé dans toute l’entreprise.
Néanmoins, selon les organisations, leur culture, leur taille, leur mode de management, et leur maturité, avoir une direction jouant le rôle de facilitateur et de catalyseur pour porter, diffuser cette culture et ce process d’innovation peut être réellement un moteur pour accélérer. Aujourd’hui, les directions innovation sont présentes dans la moitié des grandes entreprises.

Les missions de cette direction innovation sont en général très transverses:
– La définition de la stratégie de l’innovation de l’entreprise avec son écosystème : les clients, les start-up, les partenaires, les institutionnels …
– L’anticipation de l’évolution des nouveaux usages et du modèle économique à moyen/long terme,
– La transformation de la culture des managers et des collaborateurs de l’entreprise
– La diffusion de la culture de l’innovation dans l’entreprise et la mise en place des méthodes et de outils pour aider les directions à être plus innovantes (acculturer et former au test & learn, aux approches centrées clients, mise en œuvre de hackathons, de plateformes d’innovation participatives, de challenges, d’ incubation, d’open innovation…),
– Le management de l’innovation,
– L’intégration des technologies dans des nouveaux produits/services…

Lorsque cette direction existe, il est clé d’éviter une déconnexion entre celle-ci et les différents métiers, le développement des offres et services business, et les clients…. Il est nécessaire de bien se mettre en capacité de prioriser entre toutes les idées qui émergent (avec une stratégie et un process)… Et surtout de bien prendre conscience que la valeur, et l’essentiel de la complexité  est dans la capacité d’exécution et la mise en œuvre des innovations…. Ce qui renforce l’importance que cette direction travaille main dans la main avec les différents métiers de l’entreprise et de son écosystème…

Ma conviction et mon constat est que ce rôle de facilitateur, catalyseur, quand il est nécessaire, peut être porté de façon variée selon les organisations : cela peut aussi bien être le rôle d’une direction transformation (CDO) ou d’une direction marketing (CMO) que celui d’une direction innovation par exemple.

Idéalement, et ce en fonction de la maturité de l’entreprise, l’innovation doit être l’affaire de tous à tous les niveaux, sans qu’une direction particulière en prenne le lead.

4 -L’innovation ne doit-elle pas désormais constituer un nouveau modèle de management, autour de laquelle se reconstruit toute l’entreprise … comme c’est justement le cas pour les startups ?

Notre environnement exige des entreprises une capacité à s’adapter constamment. La pérennité et la valeur ajoutée d’une entreprise dépendent de sa capacité à apprendre et à transformer cela en produits ou en services pertinents pour ses clients. L’innovation est une des clés du succès pour réussir à s’adapter en permanence et l’un des principaux moteurs de croissance.

Les entreprises doivent développer un modèle de management, différent, agile et responsabilisant, en mode start-up pour que l’innovation soit l’affaire de tous. L’entreprise doit faciliter et libérer la capacité d’innovation et de collaboration. Il s’agit de favoriser la transversalité, de décloisonner les services et directions et casser les silos, de permettre le travail en équipes pluridisciplinaires et ouvertes à un écosystème beaucoup plus large, de développer l’adaptation permanente, de faire confiance, de responsabiliser et donner de l’autonomie et de la flexibilité, d’autoriser la prise de risque et de permettre le droit à l’erreur …

Bref, de disrupter les modes de travail et de fonctionnement, les modèles d’organisation, de faire évoluer la culture et l’état d’esprit. Cela se reflète à la fois dans l’organisation et dans les moyens qu’elle se donne. Et surtout cela signifie s’appuyer réellement sur la créativité de l’intelligence collective, l’agilité, l’usage des technologies, et la performance au sein de l’entreprise et avec son écosystème… Cette intelligence collective permet de libérer les énergies.

In fine, un modèle où l’information, le savoir, la connaissance, le partage, la fertilisation, l’expérimentation, avec le client au cœur, permet d’innover de façon efficiente, de s’adapter et aussi à chacun des collaborateurs de s’épanouir.

 

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